Contrepoint | Festival de Carthage : l’élitisme est un risque, aussi

«Carthage» repart donc, fin juillet. Au bénéfice de tout le monde (des artistes en premier), mais non sans susciter, encore, des commentaires et des questions.

La question, d’emblée, serait celle-ci : pourquoi une reprise, alors que l’épidémie bat toujours son plein? Voire les chiffres actuels sont plus accablants que lors du confinement intégral l’an dernier. Les autorités hésitent à répondre, mais on devine bien leurs embarras. Les professions artistiques, non compensées, non écoutées, accentuent leur pression. Les protocoles sanitaires ne sont jamais respectés. Qui plus est le moral des populations est au plus bas. On préfère alors lâcher du lest, rouvrir un peu partout. Compter sur un rattrapage par la vaccination. Le problème reste, toutefois, que la réaction a été tardive, et que le vaccin risque et de ne pas suffire et de ne pas arriver à temps. Trop d’improbables. Croisons les doigts.

Le commentaire principal concernerait la programmation. En rupture de contenu, de principe et de choix avec les éditions des trois dernières décennies. La présentation officielle sur Internet parle d’un bel ensemble «répondant à tous les genres et à tous les goûts». Pas tant que cela.

Il y a d’abord une absence (une élimination ?) quasi totale de la chanson «wataria» et de son modèle de variété. Enorme coupure quand on sait ce qu’en étaient la présence et l’audience ici même et dans tous les pays du Maghreb et d’Orient. La «wataria» et sa variété ont, certes, régressé en publics et en écoute depuis l’arrivée du rap et la remontée du «mézoued» et avec la rencontre des cultures et le rajeunissement démographique (nous n’arrêtons nous-mêmes d’y rappeler), mais tout de même, pas à ce point ! La tradition du «tarab» est pérenne dans nos pays, tout comme celle (universelle, du reste) de la chanson de variété. Y mettre un trait, ainsi, est à la fois risque et non sens, «Carthage» (l’international) ne tardera sûrement pas à le regretter.

Et puis, à propos de répondants, de genres et de goûts, ont-ils réellement place égale dans la programmation ? A être juste, pas vraiment, pas tout à fait. Le théâtre tunisien retrouve présence, et c’est une bonne chose. Mais si peu de rap, et un concert, unique, de Habbouba. Pour le reste, et en majorité, de la world music, des «band’s» et des musiques mixées. Des musiques instrumentales, aussi. Musiques élitistes. On a parlé ci-haut de programmation de principe et de choix, c’est le plus à craindre à notre avis. En 90, et suivants, «Carthage» avait cédé au «commerce rotanien». Résultat : inculture et excès de divertissement. L’élitisme n’est pas moins risqué pour la grande joute, seule une minorité, la même minorité éclairée, y trouve son compte, le reste, celui en manque de culture et de goût, le fuit.

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