Huitième conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique-Tunisie 2022 : La Tunisie, relais entre l’Afrique et le Japon

La Tunisie accueillera, en 2022, la huitième édition de la conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad 8) et sera ainsi le deuxième pays africain après le Kenya à accueillir Ticad. Cet événement d’envergure devrait être l’occasion pour la Tunisie de valoriser sa géographie, son histoire, son capital diplomatique et son potentiel scientifique et technologique pour promouvoir une triangulation économique et technologique et réaliser ainsi une présence économique, technologique et scientifique du Japon et des autres pays Ticad nettement supérieure.

Le contexte international est en transition sous l’effet aussi bien de la pandémie Covid-19 qui persiste encore que des mutations technologiques, géoéconomiques, géopolitiques, etc., partout dans le monde, et en particulier au sein de la communauté des pays partenaires de la Conférence Ticad. La Tunisie est appelée à fournir des efforts considérables pour assurer sa réussite par la bonne préparation, la bonne participation et le bon déroulement des assises.

La Tunisie, qui n’est pas un pays organisateur et ne décide pas des objectifs ou de l’agenda de l’événement, «peut cependant plaider et agir pour faire passer sa vision, ses suggestions et ses propositions de projets, entrer en coopération triangulaire avec le Japon. Elle peut aussi faire valoir l’expérience et la présence des bureaux d’études et des entreprises tunisiennes en Afrique, Studi, Steg International, Afrique Travaux, etc., pour une triangulation industrielle stratégique avec les entreprises japonaises pour la réalisation compétitive des objectifs de Ticad 8.

Les organisateurs, avec la Tunisie en tant que pays d’accueil, doivent trouver la vision, le ton et le discours qui maintiennent et renforcent la cohésion et l’unité de la «Communauté Ticad». Cette unité est essentielle au concept même de Ticad et à son efficacité. Elle est dans le propre intérêt de tous, aussi bien du Japon et du Pnud, des autres fondateurs organisateurs, des pays africains, que des pays donateurs de l’aide et promoteurs du développement de l’Afrique.

Opportunités pour la Tunisie

D’après Mounir Bouraoui, consultant, «la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad) a décidé que la Ticad 8 se tiendra en 2022 et sera accueillie par la République Tunisienne. Ce sera pour la deuxième fois que la Ticad aura lieu en Afrique, après Kenya en 2016. Depuis son lancement en 1993, la Ticad ne cesse de gagner de l’importance en tant que conférence internationale et multilatérale qui a pour objectif de résoudre des questions de développement en Afrique». Et d’ajouter que «tous les spécialistes s’accordent à dire que l’Afrique est la plus grande zone prometteuse du 21e siècle. Toutefois, le continent est également confronté à divers défis tels que les conflits, la pauvreté, le manque de ressources financières et techniques et la bonne gouvernance». Il appartient à la Tunisie et aux institutions en charge de ce dossier (Chambre mixte tuniso-japonaise) de réaliser les études afin d’identifier les meilleurs opportunités/ secteurs et sélectionner les opérateurs et les partenaires nationaux et régionaux des différents secteurs sélectionnés, à savoir les TIC, la santé, les énergies renouvelables, l’agriculture bio et celui des infrastructures.

Dans sa diversité et son immensité, l’Afrique dispose d’un potentiel reconnu par les différents spécialistes qui lui permet, une fois bien exploité, de sortir de la spirale du sous-développement. La Tunisie peut jouer un rôle important avec les pays avec qui elle entretient des relations privilégiées surtout en Afrique de l’Ouest.

Motivation économique

Dans une note publiée par le Forum Ibn Khaldoun pour le développement suite à un débat sur la tenue du Ticad 8 en Tunisie en 2022, les principales conclusions dégagées montrent que l’Afrique est un grand fournisseur de matières premières comme le bois, de ressources naturelles et minières, de main-d’œuvre, d’espace, de terres agricoles et de ressources en eau (virtuelle).

Récemment, « l’Afrique est devenue aussi un fournisseur important d’énergie fossile. La croissance démographique, l’amélioration des niveaux de vie dans le monde, et l’entrée d’acteurs massifs, comme la Chine et l’Inde, dans la chaîne globale de production industrielle créent une demande explosive pour ces ressources. Cette demande s’ajoute à la demande existante et crée une ruée vers l’Afrique dans la compétition vive pour ces ressources limitées. Elle crée une situation de pression sévère sur les ressources et sur l’environnement».

La migration de modèles de développement et de compétitivité s’appuyant sur la dotation en ressources vers des modèles s’appuyant sur l’innovation, l’émergence de pratiques de partage international de la R&D, d’innovation ouverte, de out-sourcing, crowd-sourcing de l’innovation, ouvrent des opportunités importantes à l’Afrique. Ils annoncent l’émergence d’une Chaîne globale de recherche, d’innovation de technologie et de savoir (Cgrits) et une Chaîne globale de valeurs économiques.

Ticad 8 en Tunisie pourrait plaider pour l’insertion de l’Afrique dans la Cgrits émergente. Il serait l’occasion de lancer des événements et des institutions au niveau de l’Afrique, semblable à Tunisia Japan Symposium Society Science and Technology (Tjasss) et à Alliance Research North Africa (Arena). Selon la même source, «La dimension soft et culturelle du développement est aujourd’hui reconnue comme une dimension essentielle du développement durable. Le développement soft consolide les objectifs de Ticad de développement économique, de développement social et de développement sécuritaire. De même, est-il essentiel à la construction de liens durables et de comportements constructifs entre les acteurs, la jeunesse et les populations de base des pays membres, aujourd’hui nombreux et divers, de la «Communauté Ticad».

Agenda des projets

La Tunisie, avec la Steg international et l’Agence nationale de maîtrise de l’énergie et d’autres pays africains ont des capacités dans ce secteur qui leur permettent d’être les partenaires des entreprises japonaises pour la mise en œuvre du concept «Made With Japan».

Il en est de même de l’infrastructure pour l’eau. L’eau est un bien social et économique. Une infrastructure de qualité de mobilisation, de transport et de distribution de l’eau est aussi importante au développement que l’infrastructure pour l’énergie.

Ticad 8 est l’occasion d’élargir le partenariat scientifique et technologique entre le Japon et la Tunisie à l’Afrique, en l’améliorant et en le mettant à jour. Ticad 8 sera par exemple l’occasion d’organiser Afjassst, Africa-Japan Symposium on Society, Science and Technology. Ce sera aussi l’occasion de créer une association, Jasta, Japan Africa Science and Technology Association qui aura une mission semblable à celle d’Arena, mais au niveau de l’Afrique.

La note affirme que la Tunisie a une capacité reconnue en matière de recherche et se classe aux premières loges des pays africains et arabes dans les publications scientifiques. Cependant, comme beaucoup de pays en Afrique, elle a besoin du savoir-faire et de l’environnement industriel qui lui permettrait de mieux convertir les connaissances et les résultats de la recherche en valeurs économiques. «La Tunisie peut à ce titre être le partenaire du processus Ticad pour mobiliser les capacités sous-utilisées d’innovation du Continent et mieux les insérer dans la Cgrits, la Chaîne de la recherche, l’innovation, la technologie et le savoir».

La Tunisie, a ainsi de bons atouts et l’expérience pour être un excellent partenaire du Japon pour Ticad en général et pour l’organisation de Ticad 8 en particulier.

A l’évidence, Ticad 8 se tiendra à un moment où « les tiraillements de la transition du contexte national et international seront encore en action et à leur degré intense. Ces tiraillements sont animés par l’action conjointe de la pandémie Covid-19 encore en cours ainsi que par des défis globaux se rapportant notamment au changement climatique, aux percées technologiques et aux mutations géopolitiques. Les divergences de points de vue sont inévitables et les risques de polémique compromettant la cohésion et l’unité de la «Communauté Ticad» sont réels».

Ticad 8 peut plaider l’introduction d’un objectif de développement soft et culturel, comme un objectif de base soutenant les objectifs de développe- ment économique, social et de sécurité, de paix et de stabilité en Afrique. Il faut rappeler que «l’effort Ticad en 2022, en ce début de 21e siècle, constitue une contribution à la réalisation des Objectifs de développement durables de l’Agenda 2030 des Nations unies et des objectifs de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine».

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