Salma Ksontini, curatrice d’art, à La Presse : «On ne pouvait se restreindre : les artistes étaient libres de créer»

Salma Ksontini, jeune curatrice tunisienne, a géré récemment la section «K-Off», dans le cadre de la 3e édition de Gabès Cinéma Fen. Elle a déniché différents talents locaux singuliers, distingués. Une expérience intense qu’elle partage avec nous dans le cadre d’un échange fructueux.

Vous avez fait vos preuves récem- ment en dirigeant la section «K-Off» consacrée aux artistes visuels tunisiens dans le cadre de « Gabès Cinéma Fen ». Comment a eu lieu la prise de contact avec toute l’équipe ?
J’ai interviewé Malek Gnaoui, il y a plus d’un an dans le cadre du Tasawar Curatorial Studio. On a échangé, parlé du secteur, des arts, etc. Il m’a proposé de participer à cette aventure deux mois après. Il en a parlé à Fatma Kilani et j’ai embarqué. On m’a expliqué ma mission : gérer les artistes tunisiens dans le cadre de cette section « K-Off » en tant que curatrice / commissaire. J’accompagne le travail de plusieurs artistes locaux simultané- ment jusqu’à l’aboutissement. On a commencé par la prospection, le choix des artistes, leur sélection et on s’est restreint à la scène tunisienne, opter pour une tranche d’âge jeune. Ça a facilité le contact entre nous toutes et tous. L’échange fut fructueux. J’ai cherché, de mon côté, différents profils en faisant du porte- à- porte (rires), en les dénichant, un peu partout… J’ai vu le travail d’un bon nombre d’artistes proposé dans le cadre d’expo, ou de ma participa- tion dans des festivals.

Avant d’embarquer pour cette aventure, qu’avez-vous accompli ?
J’ai fait du «Design espace», à la faculté, qui m’a beaucoup servi au «K-Off» et, actuellement, j’essaie de finaliser mon master en théorie de l’art aux Beaux-Arts de Nabeul. J’ai travaillé sur «Interférence», «Tasawar Curatorial Studios», «Houmtek…»

Pouvez-vous revenir sur votre prise de contact avec de nombreux artistes participants ?
Ghassen Chraifa, je l’ai découvert dans «Culture solidaire», du B7L9. Il connaissait Malek aussi. Rim Harrabi, je la connais «d’Interférence», le festival d’art visuel. Ahmed ben Nssib, je l’ai connu par hasard à travers sa maman en 2018. Son travail était époustouflant. Dorra Dalila pareil. Asma Laâjimi a fait une première : je l’ai connue à Djerba. Cheb Terro, c’était le challenge par excellence : son travail tournait autour de la scène  underground, il évoquait l’Underplanet et maniait la vidéo qui devait être un moyen de médiation. Tout un monde ! Leurs œuvres se distinguaient par une technique propre à chaque artiste. Ils avaient une définition propre à eux et ne se ressemblaient pas. Et leurs œuvres tournaient autour de l’image en mouvement, décortiquée et mise en valeur dans un même espace mais vécu, chacun et chacune à sa manière. Il était hors de question de se restreindre : ils étaient libres de créer. Et moi-même, je ne pouvais les enfermer dans des mondes qui ne sont pas les leurs. J’étais dans un poste d’observation : j’étais au centre et je devais sonder autour de moi en cherchant qu’est-ce qui pourrait être intéressant et qu’est-ce qui pourrait ouvrir des pistes, à travers l’animation, le dessin, l’analogie. Il y a le langage cinématographique qui se rapproche de l’art vidéo. J’étais dans une recherche artistique fructueuse que j’ai pu mener à bout via ces œuvres-là. On échangeait beaucoup les idées.

Quelles sont les difficultés que vous avez eues ?
C’est qu’on soit aussi jeunes, toutes et tous. Pour l’aspect technique, on n’est pas toutes et tous censés manipuler ou accomplir les mêmes techniques : je suis moi-même dans l’apprentissage. C’était bénéfique pour tout le monde et on a toutes et tous appris ensemble au fur et à mesure. Je ne parlerai pas de «Difficultés », c’est un mot lourd tout de même, mais je dirai plus un défi. Il fallait gérer tout, j’étais le maillon central.

Quels ont été les retours du public à « Gabès Cinéma Fen »?
Des retours excellents et variés : les spectateurs laissaient libre court à l’interprétation. C’était le but. Ils se sont déchaînes à trouver plusieurs thématiques, ils étaient observateurs. C’était intéressant. On a mis en place une scénographie imposante, intimiste, ancrée sur la vidéo. Chaque spectateur a pu voir plusieurs œuvres à sa manière. Il a fait chaud aussi. Beaucoup, beaucoup (rire). Mais tout s’est bien passé en général, en s’adaptant au contexte sanitaire critique, bien entendu. Les sensibilités diffèrent d’une présentation à une autre. Les artistes programmés pendant cette 3e édition peuvent ouvrir les portes et inciter d’autres à se lancer. L’espace « K-Off » qu’on a ouvert fera office de résidence d’artistes après.

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