Vu de l’étranger : Kaïs Saïed a-t-il réussi son passage en force ?

La déclaration du Président de la République est tombée comme un couperet. Limogeage du chef du gouvernement, gel des activités du Parlement et prise du pouvoir législatif, outre la présidence du ministère public, Kaïs Saïed a opéré un passage en force populaire. Encore une fois, la Tunisie est sous les projecteurs du monde entier, le fait est majeur, et tous les regards sont braqués sur notre pays, présenté comme une jeune démocratie naissante.

Les réactions provenant de l’étranger surgissent de partout, Union européenne, Etats-Unis, France, Algérie, Arabie Saoudite, Nations unies, etc. tout le monde, ou presque, s’est prononcé sur les événements qui s’accélèrent en Tunisie. D’ailleurs, les journalistes et les médias, mais aussi l’opinion publique, se perdent dans la foulée de ces communiqués, déclarations, annonces et positions exprimés tout au long de ces dernières heures
Sauf qu’une interprétation de ces différentes positions internationales laisse présager un soutien conditionnel à la manœuvre opérée par Kaïs Saïed, tant que le président de la République s’engage à respecter les dispositions de la Constitution. Entre appels à respecter la Constitution, éviter la violence et soutien aux revendications du peuple tunisien les différentes parties étrangères suivent de tout près ce qui se passe actuellement en Tunisie.
L’Union européenne, premier partenaire économique de la Tunisie, dit suivre «avec la plus grande attention l’évolution de la situation en Tunisie». «L’ancrage démocratique du pays, le respect de l’Etat de droit, de la Constitution et du cadre législatif doivent être préservés tout en restant à l’écoute des volontés et aspirations du peuple tunisien. Par conséquent, nous appelons au rétablissement de la stabilité institutionnelle dans les meilleurs délais, et en particulier à la reprise de l’activité parlementaire, au respect des droits fondamentaux et à l’abstention de toute forme de violence», a-t-on communiqué, assurant que ses Etats membres soutiendront la Tunisie dans le contexte d’une crise pandémique et économique d’envergure. La préservation de la démocratie et la stabilité du pays sont des priorités.

Les Etats-Unis préoccupés

La première réaction de l’administration Biden a été exprimée par la porte-parole de la Maison-Blanche Jen Psaki. Interrogée lors d’un point presse pour savoir si Washington estimait être en présence d’un coup d’Etat, elle a souligné qu’il s’agissait là d’une «définition juridique», refusant de considérer le pas franchi par Saïed comme coup d’Etat. «Les Etats-Unis sont préoccupés par la crise politique qui secoue la Tunisie, nous appelons au respect des principes démocratiques», a-t-elle dit.
Soulignons qu’au cours d’un entretien téléphonique avec le secrétaire d’Etat américain aux Affaires étrangères, Antony Blinken, Kais Saied a réaffirmé « son respect de la légitimité, des droits et des libertés », ajoutant que les décisions qui ont été prises interviennent en application de l’article 80 de la Constitution pour protéger l’Etat, préserver les instances constitutionnelles et réaliser la paix sociale.
Pour sa part, le ministère français des Affaires étrangères a publié un communiqué, lundi dernier, pour revenir sur les événements en Tunisie. « La France a pris connaissance des décisions que le Président de la République tunisienne a annoncées hier soir. La France suit avec la plus grande attention l’évolution de la situation politique en Tunisie.
Elle souhaite le respect de l’État de droit et le retour, dans les meilleurs délais, à un fonctionnement normal des institutions, qui doivent pouvoir se concentrer sur la réponse à la crise sanitaire, économique et sociale », a-t-on affirmé.
«Dans le plein respect de la souveraineté de la Tunisie, la France appelle également l’ensemble des forces politiques du pays à éviter toute forme de violence, et à préserver les acquis démocratiques du pays. La France se tient aux côtés des Tunisiens face aux défis auxquels leur pays est confronté », a-t-on ajouté.

La Turquie évoque un coup d’Etat

La Turquie est jusquelà le seul Etat qui évoque un coup d’Etat en Tunisie. La première réaction officielle a été exprimée par le président du Parlement turc, Mustafa Sentop, qui a estimé que «le coup d’Etat militaire-bureaucratique est illégitime en Tunisie. Dans un tweet, il affirmait que « le peuple tunisien s’accrochera à l’ordre constitutionnel et à la loi ».
Après, l’agence officielle turque a annoncé que la diplomatie turque «souhaite le retour le plus rapidement possible à la légitimité démocratique en Tunisie, selon les dispositions de la Constitution tunisienne». «Nous sommes profondément préoccupés par la suspension des activités du Parlement tunisien qui représente la volonté du peuple», a-t-on communiqué.
Si le voisin algérien n’a pas exprimé, jusqu’à la rédaction de ces lignes, une position claire, la présidence de la République algérienne a annoncé, lundi, qu’un entretien téléphonique a eu lieu entre le Président algérien, Abdelmajid Tebboune, et le Président tunisien, Kaïs Saïed.
Selon le communiqué, l’entretien a porté sur la situation actuelle en Tunisie, sur les relations bilatérales et sur les moyens de les renforcer. Une annonce perçue comme un soutien aux décisions du Président de la République.
La Russie, une autre puissance mondiale qui s’est prononcée sur le processus engagé par le Chef de l’Etat. Le ministère des Affaires étrangères russe, a affirmé dans ce sens que «les contradictions et les divergences en Tunisie doivent être résolues exclusivement dans le cadre de la légalité. Pour sa part, le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, a exprimé, hier, l’attachement de la Commission au strict respect de la Constitution tunisienne, au maintien de la paix nécessaire, au rejet de toutes les formes de violence et à la promotion du dialogue politique pour résoudre les problèmes en Tunisie, selon un communiqué publié sur le site officiel de l’Union africaine.
Au cours d’un entretien téléphonique avec le ministre des Affaires étrangères, de la migration et des Tunisiens à l’étranger, Othman Jérandi, le président de la Commission de l’UA a également appelé à répondre aux aspirations légitimes du peuple tunisien, et de sa jeunesse, indiquant qu’il suit de près la situation en Tunisie.

Photo : © Abdelfettah BELAID

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