«Mémoire» de Slim Sanhaji et Sabah Bouzouita: Version numérique… pourquoi pas ?

Après sa première au mois d’octobre 2020, la pièce théâtrale qui a signé le retour, après 11 ans d’absence, de Sabah Bouzouita, «Mémoire», avec une mise en scène de Slim Sanhaji-Sabah Bouzouita, est au programme de la 56e édition du Festival international de Hammamet dans sa version en ligne cet été.

Inspirée de «La jeune fille et la mort» d’Ariel Dorfman, «Mémoire» de Slim Sanhaji et Sabah Bouzouita est un huis clos étouffant où les protagonistes, prisonniers d’eux-mêmes et de leur passé, cherchent vainement une issue, à travers des dialogues frôlant le délire, un échange stérile et hermétique, en dépit de leur force et de leur profondeur.

«Mémoire» est une descente dans les abîmes de la nature humaine prise au piège de la vie sous ses aspects les plus cruels et les plus chaotiques. C’est une autopsie d’une mémoire en souffrance qui refuse le renoncement et l’oubli, car synonyme de faiblesse et de lâcheté. C’est un duel permanent entre la conscience toujours en éveil, toujours rebelle contre l’uniformisation, toujours en guerre contre l’injustice, la domination sous toutes ses formes.

Portée par Sabah Bouzouita dans le rôle de Kenza, Ridha Boukaddida dans le rôle de médecin tortionnaire et de Ala Eddine Ayoub dans le rôle de Mortadha, son époux, avocat de son état, «Mémoire» retrace la souffrance permanente d’une ancienne victime de l’oppression, cassée, humiliée et piégée dans un système infernal où tout le monde est coupable, à commencer par son propre époux, un idéaliste des droits de l’Homme qui a fini par se retrouver, lui-même, un pion parmi les pions.

Entre mensonge et vérité, doute et certitude, les cicatrices du passé remontent en surface… l’horreur… la folie… la lâcheté… l’écriture est un va-et-vient entre vengeance et pardon, légitimité et légalité, les trois personnages fantômes se débattent dans une absurdité mortelle. Cette nouvelle écriture scénique et esthétique, mise en œuvre par Slim Sanhaji de «La jeune fille et la mort» d’Ariel Dorfman est une œuvre qui s’adapte à tout contexte similaire. La transition d’une dictature vers un Etat de droit, le sens que nous pouvons donner à la réconciliation face à un avenir qui impose ses nouvelles règles.

Une pièce qui tombe à pic et sera suivie prochainement au Festival international de Hammamet dans sa version numérique. Un choix imposé par la situation sanitaire, qui ouvre, par ailleurs, des perspectives nouvelles aux arts vivants. Une aventure qui vaut la peine d’être tentée.

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