Au cœur de la crise, la Tunisie appelée à honorer ses engagements : La difficile quête de la solvabilité

Les principaux problèmes sont connus : déficit budgétaire, endettement de l’Etat en sont les plus visibles. Depuis le 25 juillet, le pays est en état de grâce et l’optimisme ambiant est dopé par la réussite de la campagne de vaccination. Après la médaille d’or de Tokyo, la Tunisie va-t-elle réaliser une seconde performance, celle qui consiste à se sortir de la trappe financière ?

Le pic des difficultés financières est-il derrière nous? Non, comme pour la pandémie, on est en plein dedans.  En effet, la situation est très difficile comme le confirme une source auprès du ministère des Finances. Sous le couvert de l’anonymat, cette source explique à La Presse qu’avant la fin de l’année en cours, l’Etat est appelé à rembourser plus de 3 milliards de dinars. C’est un véritable casse-tête pour le département, comme on nous l’explique.

Si la crise sanitaire est intervenue en Tunisie dans un contexte économique déjà fragilisé, entraînant une récession de 8,6% du PIB en 2021, la situation sociale et l’instabilité politique et l’absence de réformes structurelles, un consensus commence à se dessiner sur la trajectoire insoutenable de la dette publique. Et alors que les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) sont, actuellement, au point mort à la lumière des événements politiques, la Tunisie est appelée à honorer ses engagements auprès de certains pays et aussi auprès des banques locales, autrement le recours au Club de Paris pour négocier une restructuration des dettes de la Tunisie semble inévitable. De même qu’une loi de finances complémentaire semble s’imposer.

11,5 milliards de dinars

Selon la loi de finances pour l’exercice 2021, le remboursement du principal de la dette publique extérieure et intérieure atteint 11,5 milliards de dinars dont 6,5 milliards auprès de parties étrangères. A ceci s’ajoute le remboursement de l’intérêt de la dette publique qui s’élève à 4,03 milliards de dinars, l’encours de la dette publique, quant à lui, s’est élevé à 109,2 milliards de dinars, soit 90,1% du PIB.

Selon notre source, durant les quatre derniers mois de l’année en cours, la Tunisie est appelée à assurer le remboursement des tranches de prêt en devises pour des montants de 203 millions d’euros et 52 millions de dollars et une tranche de l’emprunt obligataire national pour un montant de 166,6 millions de dinars et des bons du Trésor à court terme d’une valeur dépassant les deux milliards de dinars. 

Selon certaines prévisions, les intérêts de la dette publique, qui seront remboursés en 2021, s’élèvent à environ 4,2 milliards de dinars (2,42 milliards de dinars intérêts de la dette intérieure et 1,8 milliard de dinars intérêts de la dette extérieure), enregistrant ainsi une baisse de 2,2% par rapport à l’année 2020.

Rappelons que la Tunisie était parvenue à rembourser des bons du Trésor assimilables d’une valeur de 700,5 millions de dinars, et d’une tranche de la souscription qatarie en avril dernier d’un montant de 250 de millions dollars (soit l’équivalent de 681 MDT). Parmi les prêts qui ont été également remboursés par la Tunisie figurent deux emprunts obligataires avec la garantie des Etats-Unis d’Amérique pour des montants égaux de 500 millions de dollars, pour les mois de juillet 2021 et août 2021.

Sauf que, selon l’économiste Ezzedine Saïdane, ce remboursement a été effectué suite à un recours par l’Etat aux banques locales, ce qui a pour effet un endettement pour payer les dettes, d’où la «dangerosité de la situation». Cet économiste craint ce qu’il appelle un «désastre monétaire» dans la mesure où «l’État emprunte chaque semaine des sommes colossales aux banques tunisiennes», pour gérer ses dépenses courantes dont le remboursement des dettes.

Dans ce cadre, le Conseil d’administration de la BCT avait indiqué, le 3 août, que la baisse de la mobilisation des ressources en devises, sous forme de prêts et d’investissements étrangers, et les remboursements importants effectués en juillet 2021, au titre de la dette extérieure, se sont répercutés sur l’équilibre de la balance des paiements extérieurs, pour ramener les avoirs nets en devises à 20.515 MDT ou 129 jours d’importation à fin juillet 2021 contre 21.190 MDT et 140 jours d’importation à la même période de l’année précédente.

Une lueur d’espoir ?

En prenant le pouvoir le 25 juillet dernier, le Chef de l’Etat était assurément conscient de ces défis économiques et de ces risques financiers. Aura-t-il une baguette magique pour remédier à la situation ? L’opération sauvetage des finances publiques s’annonce périlleuse.

Sauf que Kaïs Saïed avait annoncé, il y a quelques jours, que des pays frères et voisins de la Tunisie sont disposés à aider notre pays dans cette phase politique et économique extrêmement délicate. La Tunisie aura-t-elle accès à des financements exceptionnels ? Des puissances économiques comme notamment certains pays du Golfe ont montré en tout cas leur volonté à assister financièrement la Tunisie.

L’initiative du Président de la République portant sur une réconciliation pénale avec les hommes d’affaires impliqués dans des dossiers relevant de la justice  pourrait, une fois clarifiée, constituer une bouée de sauvetage pour les finances publiques. Sauf que cette initiative fait face à d’innombrables obstacles dont notamment les procédures bureaucratiques et l’instabilité politique. 

Rappelons également que La Presse avait annoncé en exclusivité que la Tunisie allait recevoir une allocation exceptionnelle de 700 millions $ en Droits de tirage spéciaux (DTS) de la part du FMI, ce qui pourrait améliorer légèrement la situation des finances publiques. 

Avec le soutien de pays amis, avec un Chef d’Etat fort et porté par l’état de grâce, avec des décisions courageuses, avec d’éventuelles restructurations de la dette, le sauvetage et la réforme des finances publiques ne sont pas impossibles. En espérant que cette fois-ci les Tunisiens seront vaccinés contre la mauvaise gestion des finances de l’Etat comme ils semblent l’avoir été contre l’islamisme

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