Emploi:  Ce n’est qu’un bluff politique !

Embauche dans la fonction publique et mécanismes précaires d’emploi, rôle du secteur privé, installation à son propre compte et création d’entreprises, économie solidaire sociale comme potentiel sous-exploité, travail à l’étranger et cadre réglementaire et institutionnel, toutes ces idées furent ainsi figées et trop consommées. L’emploi, bien qu’il soit une priorité nationale, n’a jamais été un vrai souci politique. 


Souvenons- nous encore du Dialogue national sur l’emploi ? Un évènement qui avait défrayé la chronique en mars 2016, sans succès. Le débat qui semblait concerté et réfléchi, avait, alors, planché sur une radioscopie d’un chômage endémique devant lequel on continue à faire face, sans en venir, jusque-là, à bout.

Souvent on parlait de l’embauche dans la fonction publique, des mécanismes précaires d’emploi, du rôle du secteur privé, de l’installation à son propre compte et de la création d’entreprises, de l’économie solidaire sociale comme potentiel sous-exploité, des mesures urgentes aux sans-emploi, travail à l’étranger et cadre réglementaire et institutionnel. Toutes ces idées furent, ainsi figées et trop consommées. L’emploi, bien qu’il soit une priorité nationale, n’a jamais été un vrai souci politique. Ce n’est, en fait, qu’un dossier relégué au second plan. Voire un carton électoraliste à servir pour jouer sur la corde sensible. Il y a de quoi donner du grain à moudre. En vue d’une stratégie d’emploi réaliste.

Un dossier brûlant, mais..

Mais, en l’absence d’un modèle de développement alternatif, ce débat sporadique, dicté par les convulsions de la conjoncture révolutionnaire, s’annonce autant prosaïque que récurrent. Et si on remontait l’histoire, on se rend compte que l’emploi fut, alors, le dossier brûlant du bon vieux temps. La politique de Bourguiba l’avait trop abordé, en tant que priorité absolue, aux côtés de l’éducation et de la santé. Il en est de même, à l’époque de Ben Ali qui en faisait, vainement, son cheval de bataille. Une politique de façade, en quelque sorte.

D’un quinquennat à l’autre, cette question revient sur le tapis, sans qu’on ne lui défriche le terrain. Il n’en demeure pas moins qu’aucune solution radicale ne lui a été trouvée. On n’est pas sorti de l’auberge ! Et bien qu’il figure au cœur de l’action gouvernementale, l’emploi demeure toujours un parent pauvre. Du moment que le flux de postulants semble aller crescendo, sur un marché du travail, déjà secoué par la pandémie de Covid-19, le problème ne saura être résolu aussi facilement qu’on le pense. Faut-il revoir nos comptes pour mieux gérer la situation? On nous disait que le taux du 15,4% qu’avait, auparavant, atteint le chômage aura diminué jusqu’à 11% en cinq ans. Ce fut, à vrai dire, une promesse électorale d’un parti au pouvoir. A l’époque, on se demandait, optimiste, s’il serait possible de le réaliser. Jusqu’ici, on ne voit rien venir. Un bluff politique !

Où sont les privés ?

Toujours est-il que les bonnes volontés font ce que l’argent ne peut faire. Cependant, nul ne possède une baguette magique pour désamorcer la crise. Le «miracle tunisien» qu’on avait, toujours, vanté à outrance n’est qu’une allégation mensongère. Dérisoire, en effet, de croire encore à l’Etat-Providence. Son rôle s’est réduit à gérer ses fonds de gestion et accorder ses violons sur un partenariat public-privé. Corrompu, le système de gouvernance n’est pas en mesure de satisfaire toutes les demandes additionnelles d’emploi.

La balle est dans le camp des privés qui devraient s’engager à investir plus dans des projets à forte employabilité. Emploi-développement, l’équation est d’autant plus complexe qu’elle incarne le défi de la croissance. Cela veut dire, sans détours, qu’un point de plus dans le PIB est l’équivalent d’environ 20 mille postes d’emploi à pourvoir. Ceci dépend de cela. Soit, d’après les experts, quelque 100 mille emplois exigent, en moyenne, un taux de croissance égal à 5%. Parlons-en, ainsi plus de 600 mille chômeurs est un chiffre de trop. Cela nécessite une remobilisation des moyens.

De ce fait, la mentalité d’assisté devrait également changer. Un emploi à la merci de la fonction publique le doit aussi. Le compter-sur-soi, avec le soutien de l’Etat et d’autres mécanismes d’appoint, serait bien le sésame de l’avenir. Cela trouve sa justification dans le Pacte social tripartite, signé le 14 janvier 2013, entre le gouvernement d’une part, l’Ugtt et l’Utica, de l’autre. Cela dit, l’emploi décent était mis en avant, en tant qu’attribut social, mais aussi un droit acquis. Et constitutionnellement garanti. D’ailleurs, le syndrome du chômage fut présenté comme un mal structurel. Un cumul massif des sans-emploi qui est essentiellement à l’origine des facteurs d’ordre politique, économique et éducatif. Entre la formation des compétences et les besoins pressants des entreprises, il y a inéquation qui a duré pour longtemps. C’est que l’école tunisienne, jadis un véritable ascenseur social, demeure une fabrique de chômeurs. D’autant que l’appareil productif s’est trouvé dans l’incapacité de générer davantage de projets à fort potentiel d’emplois. Et encore moins d’opportunités d’intégration dans le marché du travail. Une sorte de système machiavélique hostile à l’esprit solidaire.

L’économie solidaire

est-elle une solution ?

Et là, l’économie solidaire et sociale semble avoir un apport considérable en matière de développement. Gisement, jusque-là, non exploité, elle n’en représente que moins de 1%, selon les statistiques de l’Ugtt. A ce niveau, certains acteurs de la société civile ont souligné que «la réflexion sur un modèle de développement alternatif ne doit se passer de l’épargne et de l’économie solidaire et sociale». Leur impact sur la généralisation de postes d’emploi et la promotion des régions les plus démunies n’est plus à démontrer. De même, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux a défendu ce choix. Mais, pour lui, le gouvernement doit prendre son courage à deux mains et finir avec l’emploi précaire. Les ouvriers des chantiers en avaient trop souffert. Il est aussi question de dénicher de nouvelles opportunités d’insertion dans la vie active. L’essentiel consiste à apporter des solutions concrètes au problème du chômage, à travers une vision qui soit claire et lucide.

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