Ezzeddine Saïdane, économiste
« Les finances publiques traversent des difficultés sans précédent, et le budget de 2021 ne reflète plus la réalité tunisienne. Les dépenses de l’Etat étaient estimées à 20 milliards de dinars, dont 8.5 milliards sont consacrés aux salaires, 5 milliards à la dette publique, 2.5 milliards pour les dépenses ordinaires et à la caisse de compensation. L’Etat devrait rendre les 20 octobre et 5 novembre, à la Banque centrale et aux banques, les emprunts contractés pour le remboursement des crédits effectués les 23 juillet et 5 août. La situation est extrêmement difficile, d’autant plus que les négociations avec le FMI sont totalement à l’arrêt, et il n’y a pas un gouvernement pour mener de tels pourparlers. La Banque centrale fait travailler, désormais, la planche à billets, ce qui constitue une solution très grave. La Tunisie avait urgemment besoin d’une loi de finances complémentaire (LFC) et d’une vision au sujet de la loi de finances de l’année 2022. Chose qui requiert un gouvernement avec un programme clair pour tenter de négocier avec le FMI ».
Moez Labidi, professeur en sciences économiques
« Le FMI semble avoir un doute quant à la capacité du gouvernement tunisien à réaliser les réformes nécessaires. Deux programmes avec le FMI sont inachevés. Les discussions avec le fonds monétaire pourraient reprendre après la nomination d’un chef du gouvernement. Toutefois, il semble que le dossier économique ne soit pas la première priorité pour le pays. C’est ce que confirme le retard pris dans la nomination d’un chef du gouvernement. Peut-on aujourd’hui mettre en place des réformes, dont certaines sont douloureuses pour un avenir meilleur à travers la maîtrise des dépenses et l’augmentation des investissements au titre du développement ? La situation de la Tunisie est très délicate. Le plus important est la soutenabilité de la dette. Les autres bailleurs de fonds accordent une haute importance à un accord avec le FMI. La structuration de la dette pourrait être une voie pour alléger le niveau d’endettement. Je considère que les droits de tirage spéciaux (DTS) d’environ 775 millions de dollars, qui correspondent à la quote-part de la Tunisie, viennent à point nommé, et ce, pour faire face aux contraintes financières et à l’essoufflement des ressources de financement. Mais il faut des réformes qui génèrent des revenus pour le pays ».