L’Histoire du monde est ponctuée de guerres chaudes, froides, civiles et de massacres. S’il est fastidieux de vouloir chronologiquement les aligner, on ne peut qu’en citer les plus sanglants, les plus récents, les plus marquants. Il faudra cependant choisir. Comment trier sans trahir ?        

Allons-y tout de même. L’on ne peut commencer cette sinistre litanie sans rappeler les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki, en août 1945. Une apocalypse qui exalte cette incroyable avancée technologique assortie d’une formidable arrogance destructrice des hommes.

Les images des corps nus et brûlés des enfants courant au milieu de l’enfer continuera, ose-t-on l’espérer, de hanter les esprits.

Un peu plus tôt, à partir de 1944, le monde découvre l’indicible horreur des camps de concentration aménagés d’abord pour les juifs. Des aires hors du seuil de l’humanité, couvertes de boue, jonchées de corps humains. Des squelettes en pyjamas zébrés s’amoncelant en pyramides, des amas de membres chancelants d’où fuitaient à bas bruit quelques tenaces souffles de vie. Un interstice entre la souffrance lente et résignée et une mort salvatrice. L’épouvante donnée en spectacle.

Beaucoup plus tard, lorsqu’on croyait l’humanité guérie de sa folie meurtrière. Et les chapitres barbares des guerres mondiales définitivement clos, s’ouvrent çà et là des épisodes d’horreur.  Le massacre de Sabra et Chatila, en septembre 1982, est perpétré  à la faveur de la nuit, des complicités coupables et d’une panne électrique provoquée. Des hommes, des femmes et des enfants palestiniens se sont fait méthodiquement massacrer. Les réactions outrées de la communauté internationale, les enquêtes inutiles, la colère, la haine et même le temps n’effaceront jamais le souvenir de cet horrible carnage.

Le génocide des Tutsis au Rwanda, en 1994, prévenu pourtant par les organisations humanitaires, su, attendu, a été, tout compte fait, « permis ». Le nombre de morts est estimé à 800 mille, abattus dans une offrande meurtrière où le viol est une arme de guerre. Les victimes ont droit chaque année aux honneurs posthumes et compassions réglementaires et à quelques passages dans les émissions tv et les manuels d’Histoire. Au suivant.

Une année plus tard, en juillet 1995, en Bosnie-Herzégovine, des milliers d’hommes et des jeunes gens, musulmans, retranchés dans une cité désignée par l’ONU par cet oxymore parfait « Zone de sécurité » ont été froidement exécutés et jetés dans des fosses communes. Aujourd’hui encore on cherche les restes des corps pour les identifier et leur édifier une sépulture. Ce meurtre massif a été livré non loin d’un détachement de passifs Casques bleus.

Nous pouvons continuer à compter les horreurs que découvre l’humanité, le jour d’après, lorsque journalistes et personnels humanitaires forcent les barrières et défient les blindés, pour renvoyer à la face du monde ces tueries de masse.  Rongée par la culpabilité, ou juste pour faire bonne figure, on ne sait plus trop quoi y penser, la lourde machine judiciaire internationale se met alors en branle pour, dit-on, traquer les coupables et les punir. Cela s’est fait, effectivement. Pour les victimes, il n’y a plus rien à faire, ni à leurs proches d’ailleurs. On peut tout juste commémorer les anniversaires et fleurir les pierres. Les formules convenues et les mines déconfites aidant. La conscience en est quitte.

Si l’humanité se souviendra encore de ces millions de victimes mortes généralement pour rien, le sort des  Afghans nous laisse perplexes. On ne sait si on doit commencer à les pleurer ou patienter encore un peu. A la merci des nouveaux maîtres du pays qui adorent se pavaner kalachnikov à la main, les Afghans, ni morts ni tout à fait vivants, seront en perpétuel sursis. Les femmes et les filles afghanes et  les hommes qui ont goûté à la liberté et à l’amour, au savoir et à l’art, même derrière des forteresses de barbelés et des murs anti-explosion, sont abandonnés à leur sort. Les 123 mille personnes évacuées, d’abord des diplomates et des étrangers, et très peu d’Afghans par pont aérien, aime-t-on marteler, ne feront certainement pas oublier les millions d’hommes et de femmes, comme vous, comme nous, en proie maintenant à la peur et à l’arbitraire, victimes d’une formidable lâcheté qui signe un éternel recommencement.

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