Dérèglement des circuits de distribution | Les contrevenants sous la loupe

La Tunisie est confrontée depuis plusieurs années à des tensions récurrentes sur les produits alimentaires, ainsi le pouvoir d’achat des citoyens ne cesse de s’éroder sur fond d’une crise politique et économique, aggravée par la crise sanitaire. Plusieurs facteurs sont à l’origine des tensions répétées sur les produits alimentaires de grande consommation, dont des problèmes de distribution et de production. Ces problèmes touchent surtout les produits subventionnés.

Parmi ces facteurs qui perturbent les activités commerciales, figure également la politique de subvention, dont les produits sont les plus exposés à la contrebande et au détournement. Les opérateurs économiques pointent aussi du doigt la faillite de l’Etat à réguler les activités commerciales. La régulation se fait désormais dans les marchés informels où l’on spécule sur le dos des producteurs-agriculteurs et celui des consommateurs. Ils  fustigent aussi l’attitude des pouvoirs publics qui laissent faire le marché parallèle et autorisent certaines pratiques spéculatives, avec beaucoup de dépassements sur les droits des consommateurs.

A cela s’ajoutent les prix des produits alimentaires qui sont devenus prohibitifs pour la plupart des familles tunisiennes, moyennant une hausse spectaculaire provoquée délibérément. Cette  hausse des prix des denrées alimentaires est causée par le monopole de certains contrevenants qui en profitent pour multiplier leurs bénéfices.

Cette situation, qui dure depuis plusieurs années, suscite l’inquiétude des spécialistes qui sont plusieurs à tirer la sonnette d’alarme.

Les circuits de distribution qui affament les citoyens

En dépit des opérations intensifiées de contrôle des prix, de suivi de l’état d’approvisionnement des marchés locaux en denrées alimentaires et de lutte contre le monopole de certains produits, menées par les autorités bien avant la révolution,  les pratiques spéculatives, de monopole et de corruption se sont multipliées depuis plus de dix ans.  Dans ce sens, le Président de la République a donné des instructions fermes et des directives pour le durcissement et le renforcement des opérations de contrôle des circuits de distribution afin de faire face à toute éventuelle spéculation que pourrait connaître le marché local, contrecarrer les infractions enregistrées, la rédaction de procès-verbaux répressifs à l’encontre des contrevenants qui doivent être soumis ensuite à la justice, et ce, dans le cadre des actions mises en œuvre afin de garantir la transparence de l’opération commerciale et d’éviter le recours de certains commerçants au stockage et au monopole de certains produits alimentaires. C’est le moment opportun pour multiplier les contrôles et sévir pour épargner le consommateur qui est la première victime de ces agissements.

C’est pour cela que le Président de la République a appelé les agents du ministère du Commerce et du Développement des exportations à mettre fin aux pratiques de monopole et de spéculation et aux tentatives de contrôle des prix des biens et des marchandises et à faire preuve de rigueur dans l’application de la loi.

Risques

Des risques, on en recense beaucoup, entre autres, l’inadaptation des circuits de distribution. D’après  l’étude menée par l’Institut tunisien des études stratégiques (Ites), les agriculteurs, ne disposant que rarement de capacités de stockage, sont souvent soumis au chantage de quelques spéculateurs, d’intermédiaires ou de grossistes qui arrivent à imposer leurs prix et conditions de vente.

Selon la même source, les circuits de distribution des produits agricoles sont souvent désuets, inadaptés et présentent un rapport coût/avantage élevé. C’est pour cela qu’ils sont peu attractifs et qu’une grande partie de la production est souvent écoulée dans les circuits parallèles.

Les principaux handicaps sont constitués par les intermédiaires et intervenants, les institutions du mandataire, du maquignon et de l’acheteur sur pied : ils constituent la principale entrave à une commercialisation efficace des produits agricoles. En effet, l’intervention du mandataire (métier du XXIe siècle et qui, dans la plupart des pays, est remplacé par les grossistes) ne confère aucune valeur ajoutée aux produits qui lui sont confiés, malgré une rémunération, en général plus élevée que celle perçue par l’agriculteur. «Or, c’est ce dernier qui supporte les coûts de production et l’ensemble des risques, y compris ceux liés à l’activité propre du mandataire (vol et/ou mévente)».

Quant au maquignon, son rôle se limite, quand il ne fausse pas les règles de la concurrence dans les marchés aux bestiaux, à imposer aux petits agriculteurs ses conditions les plus draconiennes pour l’achat de leurs animaux et à les revendre directement aux bouchers ou dans les marchés aux bestiaux à des prix sans commune mesure avec les prix d’achat.

Enfin, et en ce qui concerne l’acheteur sur pied, qui exerce essentiellement dans le secteur des fruits, il se distingue surtout par son activité spéculative.

L’infrastructure de commercialisation

L’infrastructure de commercialisation des produits agricoles est constituée principalement par les marchés de gros, les parcs aux bestiaux et les abattoirs. Elle est dans un état de délabrement avancé. Elle est généralement donnée en gestion à des professionnels du secteur. Même si toutes les études effectuées durant les 30 dernières années ont conclu que ces infrastructures constituent un frein au développement du secteur agricole, rien n’a été fait à ce jour pour changer la situation, et même le programme de mise à niveau qui a été engagé constitue une réponse inappropriée aux problèmes de commercialisation des produits agricoles.

Par ailleurs, l’étude a mis en exergue la marge de distribution des produits frais, des modes de gestion de l’infrastructure de commercialisation, des coûts parfois exorbitants de la commercialisation et des contrôles de qualité frileux et peu incisifs de la part des organes de répression des fraudes malgré une règlementation suffisamment étoffée.

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