AU FIL DE L’ACTU | École publique : le temps est hors des gonds…

Plus de 2,3 millions d’élèves ont retrouvé les bancs du savoir, mercredi dernier, selon le ministre de l’Education, Fethi Slaouti. Corps scolaire, parents et autres parties prenantes semblent être aux aguets pour parer aux difficultés inhérentes à l’instabilité politique et au marasme économique freinant la marche du pays.


Mais qu’a-t-on préparé pour la reprise ? A-t-on vraiment posé les bonnes questions à la veille de la rentrée ? Réalise-t-on que c’est avec l’éducation que l’on décide de quoi demain sera fait  et que c’est avec l’éducation que nous décidons si nous aimons assez nos enfants ? Réalise-t-on que l’école c’est plutôt l’institution qui s’intercale entre le monde et le domaine privé ?

C’est un fait. L’école tunisienne n’éduque aujourd’hui que médiocrement et ne forme que passablement. D’ailleurs, de 2013 à 2016, la Tunisie a toujours été en queue de peloton s’agissant du classement Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des élèves initié par la Cedeao). Afin d’échapper aux feux des projecteurs et aux critiques des mécontents, on a opté pour le boycott du Pisa. Mais a-t-on vraiment pu déjouer les projecteurs braqués sur l’école publique ? Que nenni, répondraient les militants les plus engagés.

Dans les fins fonds du pays, inutile de trop détailler, le tableau est on ne peut plus sombre. Dans les villes, les parents qui recourent à l’enseignement extrascolaire sont peu satisfaits, du fait de la modestie des acquis de leurs enfants. Pis encore, seulement 2,9 % des élèves issus de familles pauvres obtiennent certains acquis cognitifs et l’abandon scolaire atteint plus de 100 mille élèves en moyenne chaque année, selon le Bureau d’études économiques de l’Afrique du Nord (Tunis).

Surcharge des classes et méthodes désuètes

Si l’école publique se porte mal aujourd’hui, c’est que les carences sont multiples. L’on entend par carences bourrage de crânes, méthodes désuètes, inégalité d’accès à un enseignement de qualité, surcharge des classes, absence de stratégie nationale, improvisation au niveau de l’autorité de tutelle et marginalisation du corps enseignant.

Aujourd’hui, la réponse à la question de savoir pourquoi le petit Salah ne sait pas lire ou encore à la question plus large de savoir pourquoi le niveau scolaire de l’école tunisienne reste tellement en dessous du niveau moyen actuel des pays les mieux classés (Pisa) annonce la faillite des méthodes d’éducation appliquées dans la société de masse que nous sommes.

Les questions à se poser en l’état actuel des choses n’ont jamais été autant pressantes. Les programmes de l’enseignement primaire en Tunisie sont-ils adaptés aux besoins entièrement nouveaux du monde actuel ? L’enseignant, malmené et mal rémunéré, est-il en mesure de conserver l’habitude d’apprendre pour qu’il ne transmette pas un savoir mort ? Une persévérance sans réflexion dans le sens de la crise ne fait-elle pas accroître l’aliénation du monde ?

Morale de l’histoire : «On ne peut éduquer sans en même temps enseigner. L’éducation sans enseignement est vide et dégénère facilement en une rhétorique émotionnelle et morale. Mais on peut très facilement enseigner sans éduquer et on peut continuer à apprendre jusqu’à la fin de ses jours sans jamais s’éduquer pour autant», de l’avis de la philosophe et journaliste allemande Annah Arendt.

Pour une éducation moderne

En matière d’éducation, la politique suivie dès la petite enfance est cruciale. En conviennent didacticiens et pédagogues les mieux avertis. Dans les pays les mieux avancés, l’on s’emploie à garantir aux enfants épanouissement, jeu et créativité de la manière souhaitée. Chaque enfant a le temps et l’espace qu’il faut pour se livrer à différentes activités libératrices et instructives. Le jeu et le reste des activités sont planifiés de manière à renforcer la polyvalence chez les enfants. Puis, étant donné que les enfants sont différents, on leur apprend les choses différemment. Au cours des deux premières classes, les apprentis du savoir apprennent des compétences de base, comme la lecture, l’écriture et les mathématiques par le jeu. Il y a ceux qui sont doués et ceux qui le sont moins. Pour les seconds, on réserve plus de temps et davantage d’efforts.

Le niveau d’assimilation et de développement de l’enfant est toujours pris en compte. La principale ligne de conduite stipule que l’école ne représente pas nécessairement « le monde des adultes ». Mais qu’elle doit, d’une manière ou d’une autre, dire aux élèves : «Voilà notre monde et le vôtre bien évidemment ».

En Tunisie, la question de l’éducation est à bien des égards reléguée au second plan. Il est donc temps de réformer le système éducatif tunisien. Car le monde va à mille à l’heure et le  temps est hors des gonds.

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