AU FIL DE L’ACTU | Régime politique : ne plus jouer les équilibristes…

Le régime politique initié en Tunisie depuis 2014 se veut à l’origine de tous les blocages. En conviennent la plupart des politologues et analystes s’exprimant ces derniers jours sur bien des médias nationaux et internationaux.

La question du régime politique le mieux adapté à une société arabo-musulmane, qui a récemment fait sa révolution contre un ancien régime dictatorial, est donc remontée à la surface et se veut au centre d’un grand débat.

Régime hybride et déséquilibre

Revenant sur les limites de l’actuel régime, ni tout à fait présidentiel ni tout à fait parlementaire, ces mêmes analystes soulignent que ce système hybride a favorisé un déséquilibre de taille entre le gouvernement et l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). D’autant qu’à l’issue d’une décade, ce régime politique s’est avéré peu efficace devant les difficultés politiques, économiques et sociales dont souffre le pays, depuis la destitution du régime de Ben Ali.

Volet technique, en raison d’un défaillant modèle de gouvernance, les textes transmis à l’ARP, bien que requérant souvent urgence, tardent à voir le jour, souvent durant des mois. D’où le blocage des institutions constitutionnelles et l’énorme gaspillage d’un temps précieux pour un pays qui se reconstruit. Si bien que  l’on ne peut, en aucun cas, opérer un remaniement ou encore le moindre changement sans l’aval de l’ARP. Les exemples de la Haute instance électorale (Isie) et de l’Instance vérité et dignité (IVD) lors de la désignation de chefs à leurs têtes sont, à ce titre, édifiants.

Quant au Président de la République élu au suffrage universel direct, il n’est pas l’unique maître à abord, même quand il s’agit de ses compétences régaliennes. Il est appelé à consulter le chef du gouvernement, voire le président du Parlement au sujet de « la définition des politiques générales dans les domaines de la défense, des relations étrangères et de la sécurité nationale relative à la protection de l’État et du territoire national des menaces intérieures et extérieures».

Pis encore. Les spectacles récemment offerts par les élus du peuple au sein d’une ARP hétéroclite ont été d’une turpitude qui n’a d’égale que l’opportunisme de politicards, dont les coups bas pleuvaient ici et là.

Danse macabre

La danse macabre à laquelle ont régulièrement eu droit les Tunisiens lors de plusieurs séances plénières n’aurait rien d’étrange, quand on sait que notre ARP est le fruit d’ élections législatives (2014) ayant donné lieu à deux partis politiques, Nidaa Tounes et Ennahdha. Ces deux partis ont alors accumulé à eux seuls 65,35% des suffrages exprimés, avec respectivement 86 et 69 sièges, soit plus de 70% des sièges. Alors que le reste des députés ont été élus grâce à quelques centaines, voire quelques dizaines de voix. Le reste de l’histoire est bien connu des Tunisiens.

Ce système électoral a donné lieu à un gouvernement de coalition aussi vulnérable que dissociable et clivable au moindre désaccord.

Toujours est-il que le choix d’un mode électoral où toutes les sensibilités politiques devaient être représentées pour l’élection d’une Assemblée pouvait être justifié en 2011, dans la mesure où l’objectif était d’élaborer une nouvelle Constitution en rupture avec celle de 1959, conçue par un seul parti: le Néo Destour.

Ce choix, fait à l’époque par l’instance supérieure pour la sauvegarde des objectifs de la révolution, présidée par Iyadh Ben Achour et dont les limites ont été repérées lors des travaux de la Constituante, n’aurait toutefois pas dû être conservé, lors des législatives de 2014. Cela n’a malheureusement pas été le cas, car les faux commencements s’annoncent souvent dans le fracas des chuchotements.

Besoin d’un seul chef d’orchestre

Aujourd’hui que les bourrasques continuent à alterner avec les orages sous un ciel chaotique tunisien, une chose est sûre : ni le régime hybride ni celui parlementaire ne peuvent fonctionner avec une société qui se veut en pleine métamorphose. Une société où le processus démocratique a besoin de temps pour mûrir, où « la démocratie doit s’appréhender au niveau de l’individu par un apprentissage de soi, par le développement d’une compétence réflexive dès l’école primaire et au niveau de la collectivité ».

Le régime politique à adopter pour cette Tunisie nouvelle, ce pays qui se reconstruit est, à bien des égards, à penser et à repenser minutieusement. Car les sociétés arabo-musulmanes, dont fait partie la Tunisie, généralement endogames (privilégiant les cercles fermés et le degré de consanguinité élevé), ont tendance à avoir pour arbitre beaucoup plus l’affectif que le rationnel. D’autant que le besoin d’être assisté, voire guidé, semble être le dénominateur commun de l’architecture mentale d’une société, de bien des sociétés.

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