Mohamed Salah Glaied —  Ingénieur et spécialiste en eau: «Les régions intérieures et surtout rurales vont souffrir davantage»

Plus que toute autre chose, la problématique de l’eau doit être au cœur de la bataille nationale. Une préoccupation majeure. Mohamed Salah Glaied, ingénieur et expert dans le secteur de l’eau,  a tenté d’évoquer les différents aspects du sujet — très complexe — sur le stress hydrique  et de proposer des pistes de réflexion et de solutions. Entretien

La Tunisie est-elle en situation de stress hydrique ? Quelles en sont les menaces en court, moyen et long termes ?

La Tunisie se trouve en stress hydrique depuis plus d’une décennie.  La situation s’est  aggravée depuis ces dernières années à cause  des années de sècheresse  successives que le pays a vécues. A ceci s’ajoutent la mauvaise gestion des ressources et l’état des infrastructures devenues de plus en plus vétustes.

Les menaces sont multiples et, importantes touchant plusieurs secteurs  dont, en premier lieu,  l’agriculture irriguée et l’approvisionnement en eau potable sans oublier d’autres filières comme l’industrie et le tourisme.

Les conséquences du manque d’eau potable sont nombreuses.  En effet,  plusieurs régions sont déjà en manque d’eau par rapport à l’offre et les régions intérieures et surtout rurales vont souffrir davantage et on va assister à un exode vers les villes de plus en plus fréquent.

Le changement climatique ne fera qu’aggraver cette pénurie. Qu’en pensez-vous ?

Le  changement climatique  et ses impacts négatifs vont aggraver la situation, sans aucun doute. En effet, les précipitations vont devenir de moins en moins fréquentes et les quantités vont diminuer de 15 à 25 % à l’horizon 2050.

Nous devons alors aller vers l’adaptation et la résilience avec ces changements climatiques et changer de stratégie sur tous les plans, surtout cultural.

Le stress hydrique nous impose des questions liées à la gouvernance, à la participation des parties prenantes et aux impacts sur l’économie, d’autant plus que nous vivons déjà des difficultés dues à la pandémie du covid-19 .Qu’en dites-vous ?

Bien sûr, la bonne gouvernance des ressources en eaux ou de ce que nous avons entre les mains est toujours souhaitable, sans oublier le citoyen qui doit être averti des volumes disponibles et des problèmes rencontrés afin de  l’inclure dans la recherche des solutions.

De ce fait, le partage des ressources ou la rationalisation  peuvent être un facteur de satisfaction et pas forcément de mécontentement chez le citoyen tunisien.

Quelles solutions proposez-vous pour faire face à la pénurie d’eau ?

Les changements climatiques que nous vivons depuis une décennie ou même plus et leurs effets sur nos ressources hydriques, nous amènent  à des réflexions profondes sur l’utilisation actuelle de nos ressources qui s’articulent autour de plusieurs axes dont :

•L’organisation d’une campagne de sensibilisation tous azimuts et l’élaboration de plans de restrictions pour l’eau potable sur tout le territoire du pays et surtout dans les régions urbaines ou suburbaines dont l’adduction et le transfert d’eau coûte de plus en plus cher pour la collectivité publique.

•La révision de la consommation actuelle d’eau d’irrigation, allant jusqu’à la valorisation de ce potentiel et l’évaluation de  ses rendements actuels. Il s’agit également de retracer les cartes de production et de valorisation et étudier la compétitivité du produit agricole :

-Valorisation des eaux usées traitées produites par les Step de l’Onas par la réhabilitation ou la modernisation de ces stations afin de produire une eau de qualité, et inciter les usagers à réaliser des projets intégrés à grande valeur ajoutée.

-Renforcement de l’utilisation des eaux usées traitées à des fins agricoles pour atteindre, à l’horizon 2030, 150 millions de m3 par an.

-Travailler à produire plus de 180 millions de m3 d’eau par an destinés à l’eau potable, provenant des complexes de dessalement de l’eau de mer ou des eaux saumâtres.

-Veiller à une bonne  gouvernance des eaux (eau potable et eau d’irrigation) et revoir ce mode de gestion associatif par ces GDA (Groupements de Développement Agricoles), qui a présenté ses limites et a engendré beaucoup de problèmes de mauvaise gestion et même de corruption.

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