Reprise d’EL Teatro: «144 Couleurs Pourpres de La Grande bleue»

Une nouvelle création a ouvert hier la saison d’El Teatro, une saison habitée par le souffle et l’engagement de Zeyneb Farhat. «144 Couleurs Pourpres de La Grande bleue», mise en scène de Naoufel Azara, dont une seconde représentation est prévue ce soir, à 19h30, encore un projet artistique et citoyen, comme Zeyneb les aime. Elle en est à l’origine. Son œuvre et son empreinte continuent de nous donner des ailes.

Juin 2018 : 144 jeunes tunisiens et sub-sahariens ont péri au large de l’île Kerkennah — leurs cadavres furent repêchés et transportés à l’hôpital régional de Sfax.

Venus de toute la Tunisie, leurs parents sont silencieux, accroupis devant la porte de la morgue, dans l’attente de la publication des noms des cadavres. Et à chaque annonce, des cris et des gémissements retentissent de douleur.

Ces scènes effroyables ont duré toute la semaine, et ces listes, qui, d’habitude, sont porteuses de succès et d’avenir radieux, étaient synonymes de mort. Telle était l’idée de départ que Zeyneb Farhat avait partagée avec nous — avant son départ — pour lancer ce projet. Un projet, une intention et un engagement qu’elle a confiés au metteur en scène Naoufel Azara.  «Nous défendons un droit universel qu’est la liberté de circulation. Et le drame que je mets en scène est plutôt dialectique entre la mort, le désir, l’amour et l’espoir, et tout le système de valeur qui se construit autour. Des associations improbables de sentiments contradictoires, un marché parallèle s’érige comme activité légitime avec ses codes et ses valeurs. La catastrophe des 144 jeunes nous mène à nous poser la question : qu’est-ce qui fait qu’on accepte de se laisser prendre par ce réseau et en devenir un de ses acteurs quand on sait que si on ramène deux voyageurs nous avons droit à la gratuité…», nous confie Naoufel Azara.

Dans cette perspective qu’El Teatro a choisi de défendre, le théâtre n’est pas un spectacle proposé à la consommation, mais bien plus.  « Nous avançons avec beaucoup de précaution, étant conscients de tout ce qui entoure cette problématique, comme menaces, risques, désespoir et méfiance… poursuit-il. Nous voulons aboutir à remettre en place de véritables valeurs, dévaloriser les opérateurs néfastes qui imposent leur système avec ses codes et ses références qui nient toute forme d’humanisme. Au-delà de l’art, il y a l’humain ».

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