Mounir Tlili, maire du Bardo, à La Presse: «Le RFR allait diviser Le Bardo en deux !»

Le Bardo, une ville souveraine, vit ces derniers temps au rythme de l’actualité politique. Abritant le Parlement suspendu, Le Bardo est aujourd’hui au cœur de l’attention, mais les moyens financiers et autres lui permettent-ils de répondre à cette vocation ? Propreté de la ville, projets en cours, blocage du RFR et autres, Mounir Tlili, maire du Bardo, répond à nos questions.


 Commençant par l’actualité, quels sont vos principaux projets actuellement ?

Comme vous le savez, la municipalité du Bardo a connu deux phases, une après les élections municipales de 2018 et une autre après la dissolution de l’ancien Conseil et l’émergence de l’actuel. Nous essayons de donner une nouvelle vie à ce Conseil. Quand nous étions élus, nous avons trouvé de grands projets sur notre table. Aujourd’hui, deux ans après, plus de vingt projets ont vu le jour. Je cite notamment la reconstruction de l’arrondissement municipal du Bardo qui aura pour objectif d’améliorer la qualité des services municipaux au profit des citoyens.

J’évoque également la question de l’asphaltage des routes sur laquelle nous avançons à grands pas. Nous nous penchons également sur l’éclairage public et le pavage des trottoirs. Certains projets touchent également à la réhabilitation du système d’évacuation des eaux pluviales.

Comment vit la ville du Bardo, qui abrite le Parlement, les derniers rebondissements politiques ?

Pour nous, en tant que municipalité du Bardo, rien ne change. Nous faisons partie de la philosophie du pouvoir local mis en place après un long processus et après un cumul d’expériences. Sauf que contrairement, nous nous trouvons avec des prérogatives très limitées et face à des difficultés très importantes, notamment d’ordre financier. Il est vrai que Le Bardo est une municipalité souveraine qui abrite le Parlement, le musée, cinq foyers universitaires, une activité administrative assez importante, mais nous disposons d’un budget très limité qui ne dépasse pas les neuf millions de dinars dont 66% de salaires. Cela fait que notre champ d’exécution, notamment au niveau du développement soit limité. Nous ne pouvons pas recruter du personnel, ce qui limite davantage nos missions. A cela s’ajoutent les problèmes de la flotte et des équipements extrêmement limités. Tout ça pour dire qu’en dépit de notre vocation renvoyant à une municipalité souveraine, face à ces problèmes nous ne pouvons malheureusement pas améliorer nos services au profit des citoyens.

Mais nous faisons de notre mieux pour assurer tous les besoins des citoyens en matière de propreté et de services, d’ailleurs nous appelons les ministères du Tourisme et de l’Environnement à nous assurer des fonds supplémentaires pour appuyer nos efforts.

Pour ce qui est des récents événements politiques, nous ne sommes pas concernés. Nous rappelons que nous avons, pour des raisons sanitaires, interdit tous les rassemblements à la place du Bardo, d’autant plus que nous ne pouvons pas supporter des coûts supplémentaires pour nettoyer et embellir cette place après chaque manifestation, je rappelle que cette décision est toujours en vigueur.

Est-il plus difficile de présider la municipalité d’une ville souveraine ou, au contraire, cela ne vous pose pas problème ?

La tâche est extrêmement lourde. Le Bardo est, en effet, une ville souveraine notamment parce qu’elle abrite l’ARP. Diriger cette municipalité est certes diffèrent. Nous avons un Conseil municipal extrêmement varié, notamment sur le plan politique, il faut de la patience pour sortir avec les moins de dégâts.

La difficulté réside surtout dans la gestion de cette diversité mais aussi dans la manière de maintenir un équilibre au sein du Conseil. Il faut aussi évoquer certaines dispositions dans le code des collectivités locales qui permet des prérogatives assez pauvres à la municipalité, notamment en matière d’autonomie financière.

Justement, la question de la politisation des conseils municipaux est-elle une principale entrave au pouvoir local ? 

A vrai dire, l’ancien Conseil municipal du Bardo n’a pas été dissous à cause de problèmes politiques mais plutôt en raison de la prise de décisions unilatérale de la part de la présidente. Actuellement, cette question ne nous pose pas de problème. Peut-être qu’au début dans la période des élections, cela pourrait être un problème, mais pour nous, actuellement, nous travaillons pour le bien de la municipalité, c’est en tout cas ce que j’ai remarqué, ce qui se passe au-dessous de la table, ça je n’en sais rien.

Deux ans après votre élection à la tête de la municipalité, qu’avez-vous fait pour Le Bardo et pour ses habitants ?

 Le plus important c’est que nous avons rétabli l’ordre et le calme au sein du Conseil municipal. Nous avons également rétabli le fonctionnement de l’administration et c’est très important.

Nous sommes également parvenus à tisser de nouvelles relations et connexions avec la société civile pour mener des combats ensemble, dont notamment le dossier du RFR.

Justement expliquez-nous au juste la polémique autour du passage de RFR du Bardo. Pourquoi le Conseil municipal s’y oppose ?

Au fait, nous ne sommes pas contre le passage de cette ligne ferroviaire du Bardo, au contraire c’est un projet national qui va changer le visage de notre ville, mais nous ne voulons pas voir la ville divisée en deux. En effet, le RFR allait diviser Le Bardo en deux villes à cause des murailles et des tunnels qu’on allait construire, cela n’est pas possible et cela portera atteinte à l’image de notre ville. Nous sommes convenus avec l’entreprise qui dirige les travaux mais aussi avec les autres parties impliquées de construire un pont ferroviaire pour le passage de cette ligne sans nuire à notre ville. Nous attendons toujours la réunion d’un Conseil ministériel pour donner le feu vert à des fonds supplémentaires au profit de l’entreprise en question pour commencer les travaux. Une fois mise en place, cette ligne changera la vie de nos habitants et permettra d’embellir la place du Bardo, c’est un rêve pour nous.

Je voudrais d’ailleurs remercier le ministre de l’Equipement et le gouverneur de Tunis qui ont réuni tous les intervenants autour de la même table pour dépasser ces problèmes.

Et s’il y aura un passage en force ?

Dès le départ, le Conseil municipal n’a pas été impliqué convenablement dans ce projet. Le Président de la République qui appelle toujours au respect de la volonté du peuple approuvera également notre position, car il s’agit du souhait des habitants. Nous ne pensons pas qu’il y ait un passage en force.

Quelles sont vos préparations pour la saison des pluies ?

Franchement nous faisons de notre mieux mais nous ne disposons pas des équipements nécessaires. Nous coordonnons avec la Direction de l’hydraulique urbaine (DHU) pour avoir accès à certains engins en vue de nettoyer les égouts, notamment au niveau des points noirs. Il existe vraiment un problème d’infrastructure et de maintenance, mais nous opérons avec les moyens de bord.

Plusieurs citoyens se plaignent du manque de propreté au Bardo, quelles sont les solutions ?

Ce problème ne sera résolu qu’en cas de coordination entre les différents intervenants, municipalité, administration, habitants et société civile, autrement nous n’aurons aucun résultat positif. Chaque semaine nous faisons une évaluation de la situation mais aussi des moyens dont nous disposons. J’appelle tous les citoyens à respecter les horaires de collecte des déchets. Le manque de coordination à ce niveau nous rend la mission encore plus difficile.

Qu’en est-il des établissements et complexes sportifs et notamment de la piscine du Bardo ?

Le bardo est une ville sportive par excellence. Nous œuvrons à plusieurs niveaux. Le ministère des Sports nous aide dans ce dossier. Nous avons lancé des travaux de modernisation du stade Hedi Naifer et de la salle couverte du Bardo.

Tout le monde attend aussi la piscine du Bardo qui sera fin prête au début du mois de janvier prochain. Elle sera équipée de l’énergie solaire et c’est une première pour nous. Nous voudrions donner les meilleures chances à nos champions, n’oublions pas que Mellouli, Hafnaoui et Ons Jabeur sont passés par-là. 

Trois ans après la promulgation du Code des collectivités locales, quelles sont les principales critiques à faire ?

Nous avons besoin de textes d’application. Nous sommes également dans le besoin de voir un pouvoir local au vrai sens du mot en Tunisie. Des municipalités sans financement et des Conseils municipaux sans véritables prérogatives ne donnent pas lieu à un pouvoir local efficace. A ceci s’ajoute certainement l’efficacité de la police environnementale qui est sans formation et en contradiction avec la police municipale. Le régime électoral au sein des Conseils est également à revoir dans la mesure où il mène à un effritement et à une mosaïque de partis politiques.

Votre parti Al-Badil Ettounssi, où est-il au sein de ce chaos politique ?

Le constat est le même pour pratiquement tous les partis, c’est une phase très difficile. Nous continuons nos activités dans le cadre de comités politiques du parti, mais nous n’avons pas encore compris les résultats des dernières élections. Pourquoi ne pas se réorganiser ? 

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