Tribune: Art et médiation culturelle

Par Mohamed KOUKA


Eveiller l’âme : tel est, d’après Hegel, le but de l’art. C’est de cela que nous avons à nous occuper en premier lieu. Le but de l’art consiste à révéler à l’âme tout ce qu’elle recèle d’essentiel, de grand, de sublime, de respectable et de vrai. L’art nous procure, d’une part, l’expérience de la vie réelle, nous transporte dans des situations que notre expérience personnelle ne nous fait pas et ne nous fera peut-être jamais connaître. D’une façon générale, le but de l’art consiste à rendre accessible à l’intuition ce qui existe dans l’esprit humain, la vérité que l’homme abrite dans son esprit et qui agite l’esprit humain. L’art renseigne l’homme sur l’humain. Nous met en présence des vrais intérêts de l’esprit. L’esprit ne retrouve que lui-même dans les produits de l’art.

Que l’art dépende de l’inspiration ne veut pas dire qu’il ne requiert, pour autant, aucun travail. Il ne faut pas confondre le point de vue de la contemplation, qui nous fait jouir sans effort de l’art et le point de vue de la création qui requiert une mise en forme qui doit nécessiter des efforts intenses, et même dans certains cas un véritable parcours du combattant. L’art est aussi un travail et même un travail difficile, parfois ingrat et qui nécessite un labeur acharné. Y voir seulement un jeu c’est confondre le plaisir que l’on tire de la contemplation de l’art avec la création artistique, ce qui n’est pas la même chose. L’effort intellectuel, physique, nerveux qu’exige la mise en scène et la réalisation d’un texte théâtral, astreignent toute une équipe d’ouvriers, d’artisans, de machinistes, de dramaturges à un dur labeur. Un véritable parcours du combattant impliquant d’incroyables enjeux. Il ne faut jamais confondre le point de vue de la contemplation qui nous fait jouir sans effort de l’art et le point de vue de la création qui requiert une mise en forme qui nécessite des efforts herculéens.

L’art est le plus court chemin de l’homme à l’homme…

Le but final de l’art est de représenter d’une façon concrète et figurée, ce qui tourmente l’esprit et s’agite dans l’âme humaine.

Il faut faire de l’art et de l’action culturelle un outil de la cohésion sociale comme mode d’intégration. Il s’agit dorénavant de réfléchir à la construction de nouveaux liens entre politique, culture et espace public. Faire de l’action culturelle un accomplissement profond de la société et à son développement général. La cohésion sociale doit devenir peu à peu une catégorie à part entière : elle se définit à la fois comme un but de société et comme un moyen des politiques publiques. Nous sommes tous appelés à réfléchir sur les méthodes, la nature du discours à mettre à l’épreuve de la réalité pratique, de l’histoire. Pour Plotin (IIIe siècle), l’art possède une sagesse qui contient le modèle qu’il imite. Il possède une science qui atteint directement des êtres ou plutôt un savoir total, intuitif, qu’il croit supérieur à ce que nous énonçons dans la discursivité du langage. La vision par l’intelligence conduit à la connaissance du réel, non par la pensée, mais par cette sorte de contact, de toucher, ineffable qui existe avant la naissance de l’intelligence ; « toucher n’est pas penser ». Ce mode de relation cognitif est supérieur à la connaissance rationnelle discursive. L’art est un point de départ pour une expérience métaphysique, une initiation au contact recherché avec l’intelligence du monde que l’œuvre a pour mission de refléter.

Quel rapport l’art peut-il avoir avec le tourisme, je vous le demande ? Il s’agit là du rapport de contemplation opposé au rapport de consommation. L’art ne doit pas apparaître comme un colifichet de l’existence, tel un petit ornement chargé d’apporter un peu de fantaisie à un terne réel. Faire de l’art, donc de la culture authentique, un pendant du tourisme est un malentendu qui confine à l’absurde, au bon sens ,à la négation de la pensée. La culture c’est le rapport à la dignité humaine. C’est du temps gagné sur la finitude ,sur le néant. Le tourisme est de l’ordre du divertissement, ce qui me fait penser à la réflexion de Pascal dans ses Pensées : « La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement et cependant, c’est la plus grande de nos misères ». Le tourisme est de l’ordre du pur divertissement mais qui, en principe, rapporte. Il y a un marché pour cela. Par contre, l’art est, selon Nietzsche, la plus haute tâche et l’activité métaphysique par excellence de cette vie parce qu’il la sauve. « Seule vie possible : dans l’art. Autrement on se détache de la vie…L’existence et le monde ne se justifient qu’en tant que phénomène esthétique » …Nous sommes alors loin, très loin, de toute approche touristique.

N.B. : L’opinion émise dans cette tribune n’engage que son auteur. Elle est l’expression d’un point de vue personnel.

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