Reportage | Kairouan: Au royaume des olives

Dimanche, il est déjà 5h00 à Bir Ahmed, localité rattachée à la délégation de Sidi Amor Bouhajla (Kairouan). Des dizaines de paysans, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, toutes catégories confondues, ont pris la route. Il faut slalomer dans les sentiers pour atteindre les oliveraies perchées sur les hauteurs de la bourgade. L’heure de la cueillette a sonné en Tunisie et la saison vient de démarrer. Pour cette année, la récolte s’annonce peu prometteuse. Les chiffres de l’Office national de l’huile (ONH) tablent, en effet, sur un peu plus de 100 mille t.

C’est plus qu’un produit de terroir

Une euphorie générale règne, dès le début de l’ automne, dans ce pays fraîchement sorti d’une crise politique et sociale. L’économie n’a toutefois pas suivi, étant toujours en quenouille. Les populations, surtout celles des bourgs et bourgades, ont désormais de quoi mettre du baume au cœur. L’olivier orchestre tout un vécu et aide à maintenir l’espoir face à un marasme économique qui dure, du fait d’une croissance allant cahin-caha pour ne pas dire aux arrêts. « As-tu ramené les peignes et les bâches en plastique ? », demande Halima à sa fille Noura. Enthousiaste et débordante d’énergie, la petite Noura répond par l’affirmative. Et la mère de s’exclamer d’une voix tonitruante : « La cueillette des olives, c’était tout un beau spectacle. Oh ! Bon vieux temps si tu reviens ».

Le champ d’olives à cueillir par Noura, sa mère et bien d’autres employées saisonnières payées à la journée (15 dinars), compte plus de mille arbres. Une fortune considérable, de l’avis de Halima. «Cette année, le litre d’huile d’olive devra atteindre 15 dinars, voire plus. Une aubaine pour les propriétaires », soupire-t-elle. Des propos qui n’ont guère plu à Ibrahim, le propriétaire du champ : « Quand la saison est bonne, tout le monde en tire profit. L’olivier est un produit  très précieux en Tunisie. Il peut sauver une économie aux arrêts. Voilà pourquoi l’Etat s’est engagé à planter 10 millions d’oliviers supplémentaires ». Cette orientation est, à bien des égards, stratégique, vu que le secteur  fait vivre, directement ou indirectement, plus d’un million de personnes et fournit 34 millions de journées de travail par an, ce qui équivaut à plus de 20 % de l’emploi agricole, d’après des statistiques officielles. Sur le point de partir, Ibrahim salue ses ouvriers, alors que Halima verse dans un monologue d’une voix à peine audible, cette fois-ci. Le reste des ouvrières glane, silencieusement mais soigneusement, les graines éparpillées ici et là.

Un emblème tunisien, un levier de croissance

Culture introduite en Tunisie par les Phéniciens (anciens peuples fondateurs de Carthage en 814 avant J-C), l’olivier est présent dans toutes les régions ou presque du pays.  Cette culture occupe, en effet, 1,8 million d’hectares, soit 1/3 des terres labourables du pays, selon le Centre de promotion des exportations (Cepex). Le Centre-ouest du pays représente 29% de la superficie totale cultivée, le Sud 21%, la région de Sfax (Sud-Est) 19%, le Sahel 16% et le Nord 15%, d’après l’ONH. Ces régions totalisent 22 variétés d’olive. Les plus connues étant le « Chemleli », cultivé dans la région de Sfax, le « Oueslati » variété présente à Kairouan, dans le Centre et le « Sahli » dans les zones côtières. La production moyenne en huile d’olive est estimée, elle, à 180.000 t, dont 70% destinées à l’exportation, selon le Cepex. L’importance des superficies réservées à l’oléiculture et la contribution à raison de 8% dans la production mondiale placent la Tunisie au rang de 2e producteur mondial après l’Espagne, d’après l’ONH.

Très appréciée pour ses nombreuses vertus, l’huile d’olive tunisienne est présente dans  14 pays du Vieux continent, 15 d’Afrique et 15 d’Asie, en plus des Etats-Unis, d’après l’ONH. Mais les parties concernées s’activent et œuvrent à s’introduire dans de nouveaux marchés, notamment en Russie, en Inde et au Japon. Le secteur oléicole a représenté 40% des exportations agricoles et 10% des exportations totales du pays en 2016. Ce qui a permis de fournir 2 milliards de dinars de devises, selon le ministère du Commerce. L’agriculture contribue, quant à elle, à hauteur de 8% au PIB tunisien, d’après la même source.

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