Sahara: Le braconnage massif met en péril la faune

Après les touristes arabes qui déciment notre faune, ce sont nos compatriotes qui ont choisi d’assurer le relais de la destruction massive de ce qui reste de notre faune terrestre dans le Sahara tunisien.

Depuis 2019, plus de 110.000 fusils de chasse ont été acquis (dans le noir) des marchés clandestins et de la contrebande. Selon le militant écologiste et président de l’Association Tunisie écologie, Abdelmajid Dabbar, il s’agit d’un nombre non exagéré d’engins de la mort, possédés par des braconniers sans autorisations, ni permis de port d’armes, ni permis de chasser, ni assurance…

Quand le Sahara se vide de sa faune sauvage…

Dans une déclaration accordée à La Presse, M.Dabbar indique que le massacre de la chasse d’espèces protégées dans notre Sahara ne date pas d’hier.

Il a toujours alerté sur la présence des braconniers qataris et tunisiens dans le Sud tunisien, mais les sonnettes d’alarme, tirées par les associations écologistes pour cesser ce massacre, sont restées lettre morte.

«Les générations futures nous reprocheront de ne pas avoir su protéger l’héritage que nos parents nous ont soigneusement légué avec amour et attention. Je le dis avec regret, après le braconnage officiel des ressortissants des pays du Golfe, ce sont, aujourd’hui, nos compatriotes qui ont choisi d’assurer le relais de la destruction massive de toute la faune terrestre, des populations rescapées qui ne sont pas locataires sur le sol tunisien, ayant existé même avant la race humaine, celles classées gibier et même celles ayant le statut critique d’extinction sur la liste rouge de l’Union internationale de la conservation de la nature (Uicn)… Des braconnages de jour comme de nuit, pendant l’ouverture de la saison de la chasse et même durant la période de reproduction… cela signifie une seule chose : l’extermination définitive de toute la faune sauvage désertique au Sud tunisien et la mort du Sahara», regrette-t-il.

Le militant écologique ajoute que les braconniers pratiquent la chasse interdite dans les aires protégées, dans les propriétés agricoles et même dans les zones d’accès interdit, considérées des zones militaires où l’accès n’est autorisé qu’en possession de permis spéciaux des autorités compétentes. Le gros coup dur de ce combat sont les moyens, ainsi que les techniques de la destruction massive qui ont beaucoup évolué, ces dernières années : des voitures puissantes tout-terrain, des mobylettes rapides importées par les contrebandiers, des Quads 4×4, de redoutables chiens Slougui, des armes de chasse dernier modèle, performantes et connues sur le marché international…

Démission de l’Etat…

M.Dabbar affirme que dans cette bataille, la pauvre faune n’a pas trouvé comment résister face à la démission de tout un Etat en pénalisant le corps forestier et réduisant au quart de son effectif, et ce, sans armes, sans uniforme depuis quatre ans, sans matériel performant… «Même quand les véhicules existent, elles sont vieilles de plus de 20 ans, avec des quotas de carburant très réduites et insuffisantes pour couvrir le territoire de tout un gouvernorat par le Brigadier de chasse. Ce dernier travaille sur terrain jour et nuit, le week-end et les jours fériés, se heurtant au grand risque d’être agressé physiquement, sans couverture, ni assurance, ni indemnités, ni gratifications supplémentaires pour services délicats accomplis…

C’est une compétition sanguinaire de tuer des bêtes, comme si nous étions sur un front de guerre et en face d’un ennemi dangereux. Rien n’est épargné, rien n’échappe à leurs balles, leurs manœuvres sont à huis clos, pas le moindre dérangement. Les cibles sont des lièvres, des renards, des gazelles Rim et gazelles Dorcas, même les goundis, les porc-épics et les fennecs emblématiques de l’environnement, et même les petites jarboises sont sauvagement tirés depuis les motos, les quads et les voitures», déplore-t-il.

Que de l’action !

Notre interlocuteur affirme que des équipes de cinq, huit et même de 15 individus sortent de Kébili, de Douz, de Tozeur, de Tataouine, de Ben Guerdane et de Médenine. Leurs destinations étaient El Faouar, Jebil, OM Echieh, Daher Médenine et Tataouine, Oued Zmerten, Bir Soltane, Kamour, Oued Ezzar, Aïn Skhoua, Ksar Ghilen, Aïn Essebat… «Il y a une semaine, les Brigadiers de chasse de Gabès, de Médenine, de Tataouine ont été renforcés par la brigade nationale pendant une embuscade nocturne, tous feux éteints à la poursuite de braconniers dangereux à une dizaine de kilomètres de distance. Il a fallu six heures de conduite dans le noir absolu pour une mission à grand risque. Poussés par le courage, le professionnalisme et la détermination de protéger ce qui reste de la faune désertique, les forestiers n’ont pas abandonné le terrain. Vaincus par l’épuisement, les braconniers se sont arrêtés à 4h00. Mais les forestiers leur ont donné grâce pour une heure de temps pour s’installer. Et l’heure d’accomplir convenablement la mission a sonné pour les arrêter par une ruse des félins dans le silence et ne donner aucune chance à la fuite des braconniers», explique-t-il.

Et d’ajouter : «Vous, les messieurs et les dames de la démocratie et des droits de l’Homme, vous allez les soutenir et vous allez dire que ce sont nos enfants dans le chômage et sans emploi. Dépourvus de lieux de distractions, ils ont choisi de se défouler dans la nature et les étendues du Sahara. Et la faune qui peuplait cette nature, qui vient de disparaître froidement et lâchement devant nos yeux, qui n’a ni associations, ni ligues, ni syndicats, ni droit de l’Homme, plutôt, droit des animaux pour les défendre et leur porter secours? Qui aurait le courage de les assister ? Qui va supporter toute la tristesse pour le manque de les rencontrer dans l’erg oriental, ou dans la route vers le Parc national de Jabbès ou Jebil ? Vous êtes tous (les responsables, les décideurs, les administrations, les associations, les organismes nationaux et internationaux…) complices de ne pas porter assistance et secours à toute la faune en danger».

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