10e anniversaire du FTDES | Abderrahmane Hedhili : «Nous récoltons les fruits d’une décennie de politiques ultralibérales»

Créé à l’issue de la révolution de 2011, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (Ftdes) a célébré hier en grande pompe son dixième anniversaire au Palais des Congrès à Tunis.

Invité d’honneur de l’anniversaire : Abu Ahmad Fouad, secrétaire général du Front populaire de libération de la Palestine. La présence remarquée hier des forces de gauche, le Parti Echaab, représenté par plusieurs de ses leaders et le Parti Watad ainsi que d’ONG progressistes, telles l’Ugtt, l’Atfd, la Ltdh… en dit beaucoup sur la sensibilité et les valeurs du Forum. Kamel Jendoubi, premier président de l’Isie, Mokhtar Trifi, ancien président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, ainsi que Khemaïs Chammari et Houcine Abassi faisaient partie des invités de marque de l’événement.

Très proche de la centrale syndicale, le Forum  a connu une grande dynamique au cours de cette dernière décennie. Il s’y est distingué par sa participation à la plupart des combats pour les droits de l’homme, s’engageant fortement pour le processus de justice transitionnelle et se mobilisant pour défendre les droits des travailleurs précaires, des ouvrières agricoles, des communautés étrangères réfugiées en Tunisie, des familles des migrants clandestins disparus sur les côtes italiennes…L’activisme du Forum se déploie également par la constance de ses conférences de presse à thème (migration, suicide des jeunes, pauvreté, échec et rupture scolaires, mobilisations sociales…) et sa productivité en matière d’études et d’enquêtes à propos des sujets sur lesquels il travaille.

Egalité, équité, droits des précaires

Au cours de ses multiples plaidoyers, le Ftdes n’a cessé d’appeler à la révision du rôle de l’Etat dans le domaine de la redistribution des revenus et des biens,  de s’occuper des services publics afin qu’ils soient mis à la disposition de tous  en veillant à améliorer leur qualité. Il a également assigné une attention particulière au système de sécurité sociale en vue d’améliorer ses prestations.

« Nous avons été de toutes les mobilisations sociales. Car nous considérons qu’il n’y a pas lieu de dissocier entre les droits et les libertés », a insisté l’animatrice de la cérémonie. Une cérémonie qui a démarré avec un intermède musical dédié à Cheikh Limam et à la poésie engagée.

Dans son discours de bienvenue, Abderrahmane Hedhili, président du Forum, est revenu sur les moments clés de l’historique de son ONG, rappelant qu’elle avait ces dernières années alerté l’opinion publique et les dirigeants politiques sur une probable émergence d’un mouvement de protestation et de colère populaire au vu d’indicateurs inquiétants. Il a cité parmi les chiffres de la crise celui se référant à plus d’un million de jeunes en rupture scolaire, les statistiques du chômage  et de la précarité.

«Tout cela ajouté aux répercussions de la pandémie de Covid-19 sur les couches sociales les plus fragiles et les plus démunies a entraîné l’explosion sociale du mois de janvier dernier, où des milliers de manifestants ont subi les violences policières lorsqu’ils n’ont pas été arrêtés et humiliés. Nous récoltons les fruits d’une décennie de politiques ultralibérales fondées sur des coalitions douteuses entre les partis politiques au pouvoir», a déclaré Abderrahmane Hedhili.

Pour le président du Forum, la transition a été l’otage d’un personnel politique dont les intérêts se situent à mille lieues des préoccupations et des attentes des Tunisiens pour qui la révolution du 17 décembre-14 janvier a ouvert de nouveaux horizons, de multiples espoirs.

« Il faudrait qu’une nouvelle génération de leaders politique accède au pouvoir pour changer ce paysage politique décadent. L’austérité dictée par le FMI n’est pas le seul chemin que peut suivre la Tunisie pour dépasser sa crise économique. L’étape actuelle exige un plus grand partenariat et un rapprochement plus soutenu entre les multiples forces vives de la société afin de trouver de nouveaux équilibres pour que l’espoir perdure».

Avant de clore son discours, Abderrahmane Hedhili, qui a annoncé l’organisation en décembre 2021 par son organisation d’une grande rencontre sur le thème des mouvement sociaux, a exprimé ses inquiétudes quant à la poursuite de la situation d’exception de l’après-25 juillet.

«Nous ne donnons un chèque en blanc à personne. Nous avons auparavant expérimenté un régime basé sur le zaim unique et nous en connaissons les conséquences. Il faudrait retourner au plus vite à la légitimité démocratique et à un système basé sur la séparation des pouvoirs», a conclu le président du Forum.

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