Billet: L’illusion de réussir

En cette phase décisive, mais aussi délicate, des éliminatoires de la Coupe du monde 2022, il règne comme une atmosphère de fin de cycle au sein de l’équipe de Tunisie. Certains joueurs montrent qu’ils ne sont plus à la fleur de l’âge. Ils ne peuvent plus cacher leurs limites, encore moins dissimuler des défaillances et des manquements liés à leurs dispositions physiques, techniques, mais aussi mentales. C’est triste, car, pour certains, ce n’est pas la fin espérée.

Au fait, ce sont des horizons qui manquent à la sélection. On continue de penser qu’elle est capable de s’imposer, mais c’est sans compter le fait qu’elle est toujours menacée par la révélation d’un possible démon intérieur, qui n’est autre que l’absence d’inspiration et d’imagination dans sa manière de faire le jeu. Si on concède que l’avenir de la sélection devrait, aujourd’hui, être mieux pris en compte, on regrette le fait que le temps passé n’avait nullement favorisé la plénitude et l’éclosion escomptées. Face à un monde footballistique en mutation constante, on n’a jamais su entretenir et développer des approches et des structures conséquentes. On avait tout simplement  l’impression, et on continue encore à le penser à différents degrés, que l’équipe évoluait dans une atmosphère instable où on ne voyait pas comment on pouvait  progresser réellement.

L’évolution des grandes équipes et des grands joueurs se réalise souvent à l’intérieur d’un système, d’une stratégie et d’un projet de jeu, organisés et institutionnalisés selon une philosophie autour d’un collectif. L’adaptation à cela est, la plupart du temps, l’objet d’une importante action de repérage des acteurs développant des qualités individuelles et collectives exceptionnelles. C’est à ce niveau que l’évolution de la sélection aurait dû se faire. A la place, l’on avait eu recours à des stratégies sur fond d’abandon progressif des grands principes, des orientations et de la cohérence au profit des approches, où n’intervenaient que les intrus et les inopportuns sur des projets qui n’ont jamais pris en considération la réalité du football tunisien. Surtout les exigences relatives au haut niveau. Chose qui a conduit à faire du travail en équipe nationale une option qui se plie à toutes sortes de pratiques étrangères aux champs des compétences et aux valeurs sûres.

Kebaier ne semble pas lui aussi déroger à la règle. A l’instar de ses prédécesseurs, il a aujourd’hui lui aussi cette tendance à ignorer les bases et les fondamentaux sur lesquels devrait reposer le jeu en sélection.

Il faut dire que c’est tout le football tunisien qui a lâché pendant de longues années ses fondamentaux. Ses premiers responsables ont commis l’énorme erreur de penser que l’impératif du résultat entraîne des obligations dans la formation et dans le travail à long terme. L’absence de stratégies et de programmes bien élaborés ne peut en aucun cas être un phénomène naturel. Elle résulte des effets conjugués de connaissances insuffisantes, de modalités et de stratégies mal pensées.

L’on reconnaît aujourd’hui qu’on ne fait pas disparaître magiquement les réalités auxquelles correspondaient, et correspondent encore, les habitudes et les réflexes dans le mode d’évolution des joueurs en clubs ou en sélection. On imagine ainsi le gâchis causé par un tel manquement. Une chose est cependant sûre: dans le contexte actuel, la réhabilitation du football tunisien, et à travers elle la sélection, n’est pas pour autant facile. Les contraintes surgissent de toutes parts dans des clubs, dans une sélection,  qui sont plus que des équipes, et dans lesquels il faudrait certainement être plus qu’un entraîneur, plus qu’un joueur et plus qu’un responsable!…

Tant que l’on ne valorise pas l’importance de l’inspiration dans le jeu, tant qu’on se félicite d’une victoire non convaincante,  il n’y aura pas de changements, et encore moins de progrès. De tout temps, l’on ne cesse de parler de reconstruction. De réédification. De rétablissement de valeurs. Mais l’on n’arrive pas toujours à faire face aux exigences de l’immédiat. Il y a de bonnes questions à poser sur la réalité du football tunisien. Plus encore : une véritable réflexion à mener. Il y a évidemment ceux qui gèrent, mais surtout ceux qui sont faits pour faire progresser les joueurs et les équipes.

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