La patience a ses limites

Editorial La Presse

«SI les lois en vigueur ne permettent pas de mettre un terme à la spéculation, elles seront complétées par des décrets, car il est hors de question que le peuple ait faim ». Le message est clair : pour le Président de la République, les lois existantes ne sont pas capables de prévenir et de combattre le monopole sous toutes ses formes. L’Etat est ainsi appelé, par sa nature à s’opposer au pouvoir arbitraire, à ne pas être le reflet de ce que le citoyen endure partout et chaque jour dans ses besoins les plus élémentaires.      

Le phénomène de la spéculation a pris, ces dernières années une ampleur telle qu’il devient plus qu’urgent de s’y pencher sérieusement et de faire face aux abus et aux débordements devenus au fil du temps incontrôlables. Ses principaux instigateurs ne reculent devant rien et défient toutes les règles et toutes les lois mises en place. La patience devient insoutenable, les choses ont pris une tournure inquiétante. Le Président de la République va jusqu’à alerter sur la disparition soudaine et coupable de beaucoup de produits du marché, « à l’instar du fer et des médicaments », et ils sont dans les dépôts de « ces criminels qui veulent créer des crises pour en tirer profit.»

On a beau s’inscrire dans une politique de vigilance et de prévoyance, imposant des mesures répréhensives et le respect de la loi, mais les produits de consommation de base sont encore et toujours entre les mains et sous le contrôle des spéculateurs.

Le profil du spéculateur d’aujourd’hui est sans scrupule : il n’hésite pas à se lancer dans des circuits qui risquent d’affamer le peuple. Il a une vision assez spéciale pour légitimer et « légaliser » le gain facile. Cela a fini par engendrer et intégrer un cadre de droits et de libertés personnels, ainsi que le recours délibérément au stockage des denrées alimentaires de grande nécessité pour le citoyen.

Il faut dire que de tels dépassements cachent aussi des causes, des enjeux et des degrés de gravité très variés qui ont fait que la spéculation s’éternise et se conserve. S’il est aujourd’hui de plus en plus question d’instruire le procès généralisé des spéculateurs, le devoir  serait aussi de pointer tout un système et tout ce qui peut être considéré comme des manquements et des dérives politiques. Il y a justement des acteurs qui s’érigent en mauvais exemple. Cela ne manque pas de rappeler une vérité : la dernière décennie a été dominée par des faits regrettables et non isolés. Des faits qui ont écorné et banalisé le respect et la suprématie de la loi à tel point que le droit à l’erreur est devenu non seulement toléré, mais aussi argumenté et justifié. Ce qui est vraiment inquiétant, c’est que certains esprits attentistes et trompeurs profitent du malaise pour se frayer une place qui n’est pas, et qui ne sera jamais, de leur ressort, alors que d’autres, continuant encore à jouer les victimes et les innocents, font de la récupération par rapport à ce qui se passe aujourd’hui.

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