Entre forces et faiblesses : Que reste-t-il de notre système éducatif ?

Une note stratégique intitulée « Repenser et réformer le système éducatif tunisien » dresse un diagnostic des forces et des faiblesses du fonctionnement du système éducatif tunisien.

Il est clair, aujourd’hui, que le niveau des élèves continue de baisser d’une année à une autre et il devient de plus en plus inquiétant, puisque nos enfants maîtrisent de moins en moins les fondamentaux, alors que, de l’autre côté, chaque année, plus de 110.000 enfants quittent l’école volontairement car ils se sentent dans une situation d’échec prolongé. Et cette crise sanitaire liée au covid-19 ne fait qu’aggraver les choses…Face à cette situation, la sonnette d’alarme a été tirée par le Pr Taïeb Hadhri et le Pr Mahmoud-Sami Nabi, qui viennent d’élaborer une note stratégique intitulée « Repenser et réformer le système éducatif tunisien », qui vise à synthétiser l’état des lieux du système éducatif tunisien et surtout contribuer à sa refondation.

Décryptage de la situation…

Parmi les points forts de notre système éducatif, la note cite l’enracinement des valeurs d’acquisition et de diffusion du savoir dans la société tunisienne (Traité d’Agronomie de Magon, Ibn Khaldoun, St Augustin, Ibn Chabbat, …). Il y a aussi une grande importance accordée à l’éducation, au niveau du budget de l’Etat et des familles, qui continue à être considérée comme un ascenseur social malgré la détérioration de la performance du système éducatif. Les efforts importants de l’Etat tunisien depuis l’Indépendance ont permis à la Tunisie d’améliorer l’accès à l’éducation (nous sommes classés 17es en 2010 en termes de progression relative). Sur un autre plan, on note aussi l’existence de prototypes d’institutions de formation et de recherche réalisant des performances reconnues à l’échelle internationale (en termes de recherche scientifique et de compétences formées) et l’existence d’un vivier important de jeunes ayant l’envie de réussir, outre le potentiel d’y parvenir… En général, les jeunes Tunisiens sont ouverts sur les cultures, les langues étrangères et sur les nouvelles technologies. En ce qui concerne les faiblesses identifiées au cours de la note, la liste est nettement plus longue que celle des forces. En tête de liste figure la prédominance de l’aspect quantitatif dans le contenu de la formation et l’évaluation des acquis (la transmission des connaissances l’emporte sur la pédagogie active). On cite, également, l’absence d’une approche systémique dans la perception, conception, conduite et évaluation du système éducatif, ce qui se traduit par la multiplicité des réformes éducatives sans cohérence (à titre d’exemple, la mauvaise contextualisation de la réforme LMD…) et le dérèglement du système (l’explosion des cours particuliers, la mauvaise articulation des différentes composantes du système de formation et d’éducation…).

Mais les maux du système éducatif national ne s’arrêtent pas là : il y a aussi le manque de valorisation de la formation professionnelle et la faiblesse de la qualité de l’apprentissage ; la fragmentation du paysage universitaire tunisien et la faible efficacité de l’écosystème de la recherche et de l’innovation (chevauchement des programmes et faiblesse de l’impact) malgré la multiplicité des organismes et des programmes mis en place ; l’inefficacité de la gestion des ressources humaines (critère d’évaluation et apprentissage tout au long de la carrière) et on cite en particulier la faible incitation et redevabilité des enseignants dans les établissements publics.

Parmi les autres points faibles, il y a également la présence marquée des syndicats professionnels face à l’absence regrettable des associations des parents, les disparités des performances (quantitatives et qualitatives) au niveau régional, au sein d’une même région, entre les secteurs public et privé, la défaillance chronique de l’infrastructure dans un grand nombre d’établissements (aspects confort de vie et équipements didactiques), l’inadaptation de l’environnement institutionnel régissant l’organisation et le fonctionnement des établissements publics et privés, menant à une inhibition de la saine concurrence et au freinage des opportunités de développement à l’échelle nationale et internationale.

Pour un système plus performant

Certes, le diagnostic de la situation permettrait d’améliorer le système d’enseignement, pour résorber ses zones de faiblesse et le réformer en renforçant ses points forts et en élargissant ses zones d’excellence. Mais pour le rendre aussi plus performant que possible, il faut identifier ses menaces et ses opportunités.

Pour les menaces, la note a cité tout d’abord la forte concurrence internationale et l’incapacité du système d’éducation nationale à y faire face sans une réforme de fond urgente. Il y a aussi l’accentuation de la fuite des cerveaux sans une stratégie d’attractivité de la diaspora de haut niveau, face au risque de «trappe » de mauvaises performances du système, causé par la faible attractivité des profils de haut niveau pour les postes des corps enseignant et administratif. On a cité également la perte de confiance dans le système d’éducation public (affaiblissement de sa perception comme un ascenseur social), la faible capacité d’attraction des bons apprenants et l’aggravation de la polarisation sociale du pays.

Face à ce tableau qui semble noir, il existe une liste d’opportunités qui peuvent être considérées comme un point de départ dans ce chantier énorme. Il y a tout d’abord la transformation de la Tunisie en une plateforme de développement des compétences au niveau africain et euro-méditerranéen grâce à des acquis reconnus (fondations de l’économie du savoir, élan démocratique porteur…), un positionnement géostratégique favorable et une ouverture culturelle. Il y a aussi l’émergence d’une société civile active et motivée pour soutenir la réforme du système éducatif, le développement de l’économie du savoir en tant que vecteur de premier rang pour le développement et l’intégration de la Tunisie dans l’économie mondiale…

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