Consultation des citoyens et référendum: Saïed a-t-il envisagé le « non » ?

Dans son calendrier, Kaïs Saïed n’évoque pas la possibilité d’un niet populaire lors du référendum. L’éventualité d’un désaveu, le 25 juillet prochain (si le calendrier est respecté), ne semble pas envisagée.


Le Président de la République, Kaïs Saïed, a révélé lors d’un discours de près de 40 minutes le calendrier qui mènera le pays le 17 décembre 2022 à l’organisation d’élections législatives anticipées et un retour à un « fonctionnement normal » des institutions démocratiques.

Mais avant d’arriver à cette date, le Président de la République a annoncé une consultation atypique des Tunisiens. Une consultation via une plateforme électronique. Selon la proposition du Chef de l’Etat, la révision constitutionnelle ne serait en fait que la synthèse des propositions des citoyens tunisiens exprimées sur cette plateforme. En d’autres termes, la commission, dont on ne connaît pas pour l’instant la composition, va restituer au peuple son propre projet.

Des questions en suspens

A ce niveau, plusieurs questions restent en suspens. Comment va se dérouler concrètement la consultation des citoyens ?  Quelles questions seront posées à ceux qui souhaitent participer ? Ceux qui vont activement participer à ces consultations sont-ils représentatifs des souhaits de la population ? Et même si cette plateforme voit une large participation des citoyens, combien d’entre nous pourraient se targuer d’avoir les aptitudes nécessaires pour donner un avis sur les normes constitutionnelles, sur la séparation des pouvoirs, ou encore sur la pertinence d’un mode de scrutin ?  Ce n’est pas pour rien que les constitutionnalistes, comme le Chef de l’Etat lui-même, font de très longues études. Un professeur de droit, qui aurait par exemple quelque chose à proposer, doit-il, lui aussi, comme moi, comme vous, où comme tout autre profane, se connecter sur la plateforme ?

De plus, même si en elle-même l’idée de la consultation populaire est louable, et quasiment révolutionnaire pour une réforme aussi colossale, on ne peut ainsi restreindre la consultation. L’idée d’un débat public s’impose. Dans son discours, le Président de la République n’a, à aucun moment par exemple, mentionné le rôle important des médias dans la formation de l’opinion publique, et dans la vulgarisation des concepts de révision constitutionnelle et de référendum.

Un plan B ?

Autre problématique soulevée par la décision du Chef de l’Etat de consulter directement les Tunisiens à travers un référendum prévu le 25 juillet, l’absence totale d’un plan B, ou d’une alternative au cas où les Tunisiens refuseraient le nouveau texte constitutionnel. Dans son calendrier, Kaïs Saïed n’évoque pas la possibilité d’un niet populaire lors du référendum. L’éventualité d’un désaveu, le 25 juillet prochain (si le calendrier est respecté), ne semble pas effleurer l’esprit du Président de la République.

Alors quelle question serait posée lors d’un référendum, et quelle signification pourrait avoir un refus des amendements ? Cela voudrait-il signifier un retour à la légitimité de la Constitution de 2014 ? Ou cela voudrait-il dire un retour du projet sur la table de la commission pour une revue de la copie ? Et dans ce cas-là, la Tunisie peut-elle encore s’offrir le luxe de temps alors que le pays est à  bord de la banqueroute ?

En cette phase charnière de l’Histoire de la Tunisie, et alors que le Chef de l’Etat ambitionne de transformer en profondeur la démocratie, telle que nous la connaissons, plus l’orientation est claire, plus les différentes possibilités sont envisagées et annoncées, plus la contestation du processus est moindre.

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