Management: Résilience et intelligence émotionnelle pour booster la productivité 

« La résilience repose sur trois attitudes-clés qui doivent coexister pour réussir à s’adapter efficacement : acceptance, réactance, et efficience. Résilience et intelligence émotionnelle sont des alliées pour nous permettre de vivre les situations défiantes de manière épanouissante et productive ». a déclaré Dr Slim Masmoudi, professeur de psychologie cognitive à l’Université de Tunis, consultant international et formateur en intelligence émotionnelle.


L’intelligence émotionnelle (IE) est un bouquet de compétences et de savoir-être permettant à chacun de mieux gérer ses émotions et celles des autres et d’utiliser ces émotions pour faire des choix, résoudre des problèmes et décider. Cela repose énormément sur la conscience de l’importance et du potentiel qu’il y a dans ces émotions, et sur l’importance d’apprendre à mieux les exprimer, les détecter chez soi et chez les autres, et mieux les comprendre. Grâce à ce bouquet de compétences et d’intelligence émotionnelle, il est possible de transformer les situations difficiles en opportunités, et de s’orienter vers la capitalisation des potentiels qu’il y a dans les personnes et les situations.

Pour manager, il est, en effet, tout à fait possible de raisonner à partir d’émotions afin d’optimiser le bien-être de ses équipes. Loin d’être un élément à éviter, ces dernières constituent au contraire des informations précieuses pour améliorer l’environnement du travail et la cohésion d’équipe. Preuve en est : l’intelligence émotionnelle est aujourd’hui considérée comme une qualité importante par 88 % des recruteurs. Heureusement, l’intelligence émotionnelle n’est pas un talent inné : elle se perfectionne.

Avis de spécialiste

Dans ce contexte, Dr Slim Masmoudi, professeur de psychologie cognitive à l’Université de Tunis, consultant international et formateur en intelligence émotionnelle, exprime sa profonde conviction qu’un chercheur ne doit pas être enfermé dans son laboratoire. Il doit s’ouvrir sur sa société et la servir à la lumière des recherches qu’il mène. « C’est ainsi qu’une bonne partie de mes recherches est appliquée, c’est-à-dire qu’elle est destinée à résoudre les problèmes de la société. Je forme et encadre les personnes et les groupes en Intelligence Emotionnelle. J’offre mes conseils et mes formations en ligne ou en présentiel, et à travers les réseaux sociaux pour aider les gens à mieux gérer les situations difficiles et à les transformer en opportunités en cultivant une pensée positive et en étant focalisé sur l’action ».

Un coach est, selon son étymologie, un entraîneur, un mot emprunté au sport. Peut-on, alors, choisir un entraîneur qui n’est pas sportif ou qui n’est pas formé en sport ? La situation est-elle identique pour ceux qui s’appellent « coachs de vie » ? Ils sont censés aider les gens à se sentir mieux et à bien gérer leurs émotions, à adapter leurs pensées (cognitions) et à changer leurs comportements (motivations). Seuls les psychologues peuvent travailler pour changer les comportements et aider les personnes et les groupes à se sentir mieux. Donc, le choix est unique : choisir un coach formé et certifié en psychologie et qui a les qualités humaines requises.

Comment cultiver la résilience ?

La résilience est un mélange subtil de résistance et de patience contre l’adversité de la vie, faisant de l’individu quelqu’un de flexible, capable de rebondir et de reprendre une vie productive. Bien qu’elle soit un trait de personnalité, on peut la développer grâce à l’appui de la famille, de l’école, et de la communauté. On peut la cultiver en renforçant les apprentissages par essais et erreurs, en valorisant la régulation émotionnelle. En effet, nous permettons de bien gérer nos émotions en fonction des situations, de ne pas atteindre les extrêmes et de les rendre productives, et en abordant les épreuves avec tolérance et acceptation. Masmoudi déclare également que  « la grande astuce de la résilience est d’apprendre à transformer toute situation défiante et difficile en une opportunité, une opportunité qui nous transforme, une opportunité qui nous permet d’avancer dans la vie et d’apprendre sur nous-mêmes et sur les autres.  Il suffit de s’exercer à se dire devant toute épreuve difficile : il y a pire, et je pourrais transcender la situation en prenant ce qu’il y a de meilleur  en elle ». La condition sine qua non pour réussir à être résilient est de capitaliser sur ses expériences passées, surtout les expériences d’échec, et tirer profit du meilleur de ces expériences. « Rappelons-nous que la réussite n’est pas d’arriver au résultat attendu mais plutôt le bonheur de surpasser les obstacles qui se trouvent sur le chemin de la réussite », précise-t-il. Il explique aussi que les Tunisiens souhaitent s’adapter aux situations difficiles qu’ils vivent actuellement, mais ils ont besoin de se transformer. En fait, le Tunisien a bien appris culturellement à s’adapter aux difficultés, et cela depuis des décennies, mais s’adapter n’est pas toujours productif et ne permet pas toujours d’évoluer. En fait, la résilience repose sur trois attitudes-clés qui doivent coexister pour réussir sa résilience : acceptance, réactance, et efficience. La première attitude est l’acceptance qui consiste à accepter et s’adapter à l’existant. Le problème du Tunisien à ce niveau est qu’il s’est habitué à accepter même la médiocrité qui est contre ses valeurs. La deuxième attitude est la réactance qui consiste à bien « réagir » au sens de l’action et de la construction. La réactance est l’antidote du déni, très répandu de nos jours. La troisième attitude est l’efficience dans les actions, qui permet d’optimiser les résultats. Par l’acceptance, le Tunisien a rempli seulement 30% de la résilience. C’est pourquoi il a besoin de se transformer en changeant ses schémas de pensée vers des schémas plus axés sur l’intelligence collective et sur l’intelligence émotionnelle, en cherchant à structurer sa vie autour des valeurs et du bien-être social et physique. Il a aussi besoin de se transformer en changeant ses modes d’action vers des modes de l’agir-ensemble et de la création des richesses pour soi, sa société et sa patrie. Quitter son individualisme est une garantie de ces transformations.

L’intelligence émotionnelle au travail
est essentiellement nécessaire

Slim Masmoudi, enchaîne ses idées et indique que l’intelligence émotionnelle nous permet de mieux gérer nos équipes et de maintenir avec nos collègues des relations saines. Toute émotion exprime un besoin. Par exemple, la réaction de colère exprime le besoin de vouloir créer un changement. L’émotion de peur exprime le besoin de sécurité, tandis que l’émotion de joie exprime le besoin de partage avec les autres.

Détecter ces émotions au travail à travers les expressions faciales, la voix, et les comportements, et les comprendre permettent aux collaborateurs d’anticiper sur les réactions des autres (collègues ou responsables) et de réguler les situations de manière constructive. Un des principes fondateurs de ce qu’on appelle « les stratégies de résolution de problème » en intelligence émotionnelle est la pensée positive, c’est-à-dire la pensée qui nous permet de nous focaliser sur les actions et les aspects positifs de toute situation ou personne dans le but de construire et avancer. En mode télétravail, l’intelligence émotionnelle nous permet de remplacer le manque de contact visuo-spatial avec les autres, le toucher, et d’autres informations utiles en communication par la capacité d’empathie, de compréhension, d’adaptation, de co-action, de valorisation de l’autre, et de renforcer les rapports humains dans un monde digitalisé. D’ailleurs, ici, résilience et intelligence émotionnelle sont des alliées pour nous permettre de vivre ce type de situations de manière épanouissante et productive.

La souffrance au travail existe partout

Pour un responsable d’équipe, le team-leader, appliquer l’intelligence émotionnelle dans sa façon de gérer les personnes et les situations est pratiquement son seul refuge, car il apprendra à mieux gérer les personnes et les situations difficiles en utilisant les techniques adéquates.

Selon bon nombre d’études, comme celles conduites par Forbes ou par le World Economic Forum, ce que les employés cherchent en premier est l’appréciation, la reconnaissance et la valorisation, avant même la rémunération. Cela informe bien le responsable sur l’importance de valoriser pour construire et de transformer les faiblesses et lacunes en opportunités de changement ou d’amélioration. Pointer les erreurs de ses employés ne sert qu’à les réaliser et leur donner des motifs forts pour quitter le travail. Avec l’IE, les comportements des uns et des autres sont régulés pour le bien de tous. La formule sera encore plus complète si on rajoute le bien-être matériel et immatériel que l’entreprise doit instaurer dans les espaces et dans les pratiques managériales.

Stratégies de recherche
du bien-être au travail

Le bien-être au travail est, aujourd’hui, la condition sine qua non de l’épanouissement et de la productivité au travail. Nous parlons actuellement de la gestion par l’IE et par le bien-être. Garantir dans les espaces de travail, soleil, verdure, et air pur est la première condition du bien-être au travail, celui qu’on qualifie de bien-être matériel. Les bienfaits de cette condition sur la productivité et l’engagement au travail sont multiples. Garantir une communication non violente, valorisante et orientée  est la deuxième condition du bien-être au travail, celui qu’on qualifie de bien-être immatériel. Le bien-être est, aujourd’hui, considéré comme le levier de l’efficacité au travail. Quelques stratégies s’offrent aux leaders et managers pour créer du bien-être au travail, un bien-être qui pourra jouer le rôle d’une source de résilience. Ainsi, prévoir un espace de recréation polyvalent (jeux, détente, discussions), consacrer une partie du temps à des activités créatives, opter pour des bureaux plus conviviaux avec couleurs et originalité, et organiser le travail autour des valeurs de partage, d’entraide, d’empathie, et d’efficacité sont des exemples de stratégies du bien-être au travail.

Dr Masmoudi assure que trois grands enjeux vont dessiner l’avenir de la Tunisie : l’enjeu de l’éducation, l’enjeu de la société, et l’enjeu de l’économie. « La Tunisie a besoin de revoir son éducation afin de recentrer la formation et le développement du citoyen sur les valeurs, car ce sont les valeurs qui vont recréer la nouvelle société. Elle a besoin ensuite  de repenser le mode de fonctionnement sociétal vers un mode fondé sur l’innovation et la créativité, le travail collaboratif et la productivité. Enfin, la Tunisie a besoin de migrer vers la vraie économie numérique intelligente, avec les technologies avancées,  avec l’Intelligence Artificielle comme levier et collective, c’est-à-dire participative et créant les équilibres individu-communauté », affirme-t-il. En relevant les défis liés à ces enjeux, l’éducation, la société, et l’économie deviendront résilientes.

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