Bruno Hadjih expose « Wird » : De l’obscurité jaillit la lumière

Nous entrons dans la galerie, lieu de l’exposition, comme si on entrait dans une retraite, dans une obscurité enveloppante, guidée par une installation sonore, signée Imed Alibi. D’une œuvre à une autre, les scènes résonnent sur le support qui dicte sa loi et capte le regard dans toute sa sensibilité. Nous sommes face à la magie d’une synthèse de l’appareil, du mode opératoire, de la scène/sujet à la recherche du langage qu’il faut, pour faire corps avec une œuvre qui s’intéresse à quelque chose de l’ordre de l’idée, de l’abstrait.

Quand Bruno Hadjih expose ses photographies, c’est une invitation au voyage à laquelle il nous convie…Pour lui, le soufisme était une rencontre fortuite et est devenu un chemin et un parcours qui s’est étalé sur plus de deux décennies.

Nous sommes à la galerie du 32 bis, au cœur du centre-ville de Tunis, à emprunter le pas au photographe, à vouloir suivre un questionnement, un doute qui se nourrit de nouvelles sensations. Bruno Hadjih avoue avoir suivi de fausses pistes, s’être perdu sur les sentiers de l’exotisme, s’être arrêté sur l’apparence à trop vouloir saisir l’esthétique, le plastique ou l’ethnographique. Le regard, était pour lui, si extérieur, si distant, si observateur, et le voyage physique, qui l’a mené vers des contrées lointaines, l’a fait revenir sur ses pas pour retrouver enfin l’insaisissable, l’infini subtil.

Khalwa Qadiri – Tombouctou Mali – 2007

Entre halte et « station », selon le langage soufi, les repères se redessinent, au gré des rencontres dans des attentes, consenties et complices pour un instant où la magie opère. La photo est la synthèse d’un ensemble indissociable. Le format et la technique sont une partie essentielle de la pratique artistique et de tout le processus mis en place. Le fond, la forme et la démarche pour matérialiser une vibration ou une décantation de sujets dans un état d’élévation et de transe dans une pénombre où la lumière est infusée, entre le sujet et le résultat final agit le photographe comme partie prenante, le regard alerte et l’âme aiguisée à point pour la captation de l’instant de l’extinction de l’être dans l’autre, de l’intensité au détachement. Le travail de l’argentique se poursuit dans le même état de doute, dans un temps du doute qui a bien commencé de la réflexion, de la prise de vue, du développement, au tirage.

Dargha , Cham’s-Din-Tabriz, Multan, Pakistan – 2000

Pour entrer enfin dans la galerie, lieu de l’exposition, comme si on entrait dans une retraite, dans une obscurité enveloppante, guidé par une installation sonore, signée Imed Alibi. D’une œuvre à une autre, les scènes résonnent sur le support qui dicte sa loi et capte le regard dans toute sa sensibilité. Nous sommes face à la magie d’une synthèse de l’appareil, du mode opératoire, de la scène/sujet à la recherche du langage qu’il faut, pour faire corps avec une œuvre qui s’intéresse à quelque chose de l’ordre de l’idée, de l’abstrait.  Dans la pureté d’une intimité appelée « Le Hal» qui est l’extinction de soi dans l’autre. «Personne ne raconte ce qui se passe pendant une khalwa, écrit Pierre Guicheney. Le témoignage le plus visible des ermites à l’issue de la retraite, c’est le rayonnement de leur visage. Bruno Hadjih témoigne qu’on peut “sentir la matérialité de cette intériorité”, si on est à l’écoute. «Wird», une expérience soufie.

Dargha , Cham’s-Din-Tabriz, Multan, Pakistan – 2000

“Ils ont un regard qui est nourri par ce qu’ils ont à l’intérieur”. Bruno Hadjih les sublime dans de nouveaux traitements. Il en exalte les dominantes, les températures, les couleurs… Ces images ne se prêtent pas à une lecture immédiate, elles ne cherchent pas un impact éphémère. Elles demandent réflexion, contemplation. Elles sont visions et révélations. D’uniques et précieuses icônes» : les visages se dissoudent, les corps vibrent, se dédoublent dans un mouvement qui efface leur densité et leur propose d’autres textures quasi translucides dans une ascension vers un insaisissable absolu.

«Wird» est une exposition qui se poursuit jusqu’au 18 mars au 32 bis–rue Ali Ben Ghedhahom au centre-ville de Tunis. A voir, à sentir et à se laisser transporter par les sens.

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