« 24 juillet » d’El Teatro : A la recherche de la patrie perdue !

Entre Naoufel Azara et Taoufik Jebali, la synergie est au rendez-vous, la perdition dans la patrie, ou perdre sa patrie est au cœur d’une œuvre complexe. Une écriture dramatique dans laquelle on s’aventure sans trop poser de questions, et on en sort plein de questionnements.

Aucune date depuis la chute de la dictature, et même bien avant, ne passe, sans que l’équipe d’El Teatro ne la souligne, ne la questionne, ne la détourne et ne la joue. C’est peut-être aussi le cas de « 24 juillet », pièce théâtrale qui se prête à plus d’une lecture.

Mise en scène par Naoufel Azara, sous la direction artistique de Taoufik Jebali jouée par une pléiade d’élèves d’El Teatro studio, « 24 juillet » est une écriture qui se construit par bribes. C’est un ensemble de situations éclatées qui trouvent leur sens dans l’assemblage mental qu’elles suggèrent chez le spectateur. L’étroite collaboration entre Taoufik Jebali et Naoufel Azara est des plus créatives car elle génère une dynamique et une dialectique. Une superposition de couches depuis le texte, le jeu et les différents outils révélateurs d’une dramaturgie et d’une scénographie qui leur est particulière, opère comme une machine qui dessine et concrétise les idées.

Les œuvres d’El Teatro et plus particulièrement celles où l’on ressent la patte de Taoufik Jebali ne se dessinent pas sur une trame narrative, l’acteur et le texte sont des éléments qui encadrent l’œuvre, mais ne la définissent pas dans son ensemble pour autant. 

Et cette même démarche on la retrouve dans « 24 Juillet », une sorte de chronique à volet où on développe toute une pensée. Le texte est plus que jamais trempé dans du vitriol, il provoque le sentiment et son contraire… Le côté trash est aussi souligné, aussi trash que la réalité vécue. Les allégories sont emphatiques et la densité des corps (plus d’une soixantaine sur scène) donne une charge intense.

Parfois, on se retrouve nez à nez face à un texte qui prend une grande place avec les situations hilarantes, dont il use avec agilité, parfois c’est le jeu des acteurs qui l’emporte, et quelques-uns se distinguent remarquablement, pour donner de nouvelles pistes de lecture.

« 24 juillet » est une autre manière encore plus tranchée que de reconsidérer l’acte et l’action théâtrale, sa vocation citoyenne rehaussée par le propos artistique revêt, dans cette démarche, une importance capitale. Si l’on arrive, tout en riant aux éclats, à avoir un pincement au cœur, si l’émotion et la vibration de la scène nous parviennent, si l’ensemble de l’œuvre s’acquiert d’une tonalité sombre, quand on évoque la perte de repère, la perte de la terre et la perte de l’identité. Si l’acteur devient, le temps d’un travail théâtral, un champ lexical dense porteur d’idées et non pas de personnages… On peut dire que l’on sort enrichi de questionnements.

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