Mohamed Ikbal face aux orientalistes : L’Islam, une source d’inspiration et de fierté

Le doyen de l’université Ezzitouna, Abdellatif Bouazizi, réserve un vibrant hommage posthume à l’islamologue pakistanais Mohamed Ikbal (1877-1938), annonçant la création, au sein de l’Université, du Centre Mohamed-Ikbal pour les études et les recherches. Cette entreprise intervient pour faire valoir sa personnalité plurielle et ses œuvres académiques riches en valeurs humaines.

Un des majeurs de l’histoire contemporaine, l’islamologue pakistanais Mohamed Ikbal (1877-1938), était aussi un penseur et un philosophe dont les œuvres littéraires et poétiques avaient largement dépassé les frontières. Ikbal est reconnu pour être un illustre militant nationaliste de la décolonisation et le père spirituel du Pakistan moderne. Il avait un pied en Orient, l’autre en Occident. Mais ses écrits critiques et ses pensées pacifistes et réformistes ont fait de lui un citoyen du monde. Humanist jusqu’au bout! «Sa relecture radicale de l’Islam et la complexité de ses idéaux politiques en font l’un des grands penseurs musulmans du XXe siècle», ce que disait de lui l’historien français Nicolas Hautemanière.

Un centre d’études dédié à Ikbal

De même, l’université Ezzitouna à Tunis a toujours fait son éloge, fort impressionnée par son parcours si passionné et passionnant. Une salle de classe portant son nom y a été inaugurée en 2019. Tout récemment, son doyen, Abdellatif Bouazizi, lui a fait un vibrant hommage posthume, annonçant la création, au sein de l’université, du Centre Mohamed-Ikbal pour les études et les recherches. Cette entreprise intervient pour faire valoir sa personnalité plurielle et ses œuvres académiques riches en valeurs humaines. C’était lors d’un deuxième séminaire, intitulé «Mohamed Ikbal, l’orientalisme et les orientalistes». Soit sa position à l’égard d’un courant artistique et littéraire né au XVIIIe siècle marquant l’intérêt de l’Occident pour l’Orient. Il y avait eu, à l’époque, des penseurs et philosophes orientalistes dont les regards croisés suscitèrent convergence et divergence sur les nouvelles questions de l’Orient.

De son côté, Mohamed Arbi Bouazizi, président de la commission scientifique de ce séminaire, avait défini l’orientalisme comme une science en soi, une manière de réflexion et de perception sur tout ce qui concerne l’Orient à bien des égards. L’Islam, comme religion universelle, mais aussi mode de vie, avait, alors, inspiré plus qu’un. Selon lui, il y avait deux camps d’orientalistes, l’un pour l’Islam, le qualifiant de religion tolérante et du juste milieu. C’est que certains Occidentaux ont fini par se convertir à l’Islam et mener des études sur sa culture et ses significations religieuses. L’autre camp, opposant fanatique, agissait contre, à des fins politiques inavouées. «Ces orientalistes occidentaux allaient même porter atteinte au prophète Mohamed et à sa noble mission divine», indique-t-il. C’est ainsi que se manifesta le rôle précurseur du Pakistanais Mohamed Ikbal, reconnu être un fervent défenseur de l’Islam, aguerri dans la lutte contre ses ennemis. Un combat d’éclaireur d’idées et de pensées fondées sur les préceptes d’un autre Islam unificateur et modéré. Ikbal tissait des liens solides avec des orientalistes occidentaux dont les œuvres littéraires et philosophiques sur l’Islam avaient suscité son intérêt. «Sa relation avec le philosophe Henri Bergson l’avait beaucoup marqué», estime-t-il.

Ikbal, la corrélation entre l’Orient et l’Occident

Le rôle qu’a joué Ikbal dans le rayonnement de l’Islam n’est plus à démontrer. L’Inde lui doit beaucoup, il vint au secours de ses musulmans. Orientalisme et orientalistes ne l’ont jamais détourné de l’intérêt tout particulier qu’il accordait au développement de l’Islam. Son Excellence Tahir Hussain Andrabi, ambassadeur du Pakistan en Tunisie, a fait valoir la création envisagée du Centre Mohamed, Ikbal pour les études et les recherches, relevant que cela est motivé par un manque flagrant des œuvres académiques arabes propres à lui. Et d’ajouter que le livre du professeur Mohamed Arbi Bouazizi intitulé Mohamed Ikbal, sa pensée religieuse et philosophique» est considéré comme un ouvrage de référence. A l’en croire, l’efficacité de la pensée de Ikbal et sa résilience face à la platitude de l’esprit orientaliste reposent sur bien des idées-forces : la corrélation entre l’Orient et l’Occident, la réflexion modérée de Ikbal, son humanisme et son originalité. Ceci étant, «les perturbations mondiales au cours des deux dernières décennies ont pu réveiller les démons d’une fausse théorie orientaliste sur l’Islam, l’accusant de terrorisme et d’atteinte aux droits de l’homme, ce qui avait provoqué des attitudes islamophobes. Cela va à l’encontre de l’approche moderniste de Mohamed Ikbal basée sur le vivre-ensemble, la tolérance et la paix entre l’Orient et l’Occident», conclut S.E Andrabi, soulignant son soutien à l’université Ezzitouna dans toutes ses initiatives académiques.

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