Fleuristes: Une activité en dents de scie

Par ce temps agréable, la fin de l’avenue Habib-Bourguiba (à proximité du TGM) se trouve embellie par une rangée florissante qui orne les deux côtés du trottoir.
Le décor est certes magnifique… On y trouve de la verdure, plusieurs couleurs et toutes les formes d’une variété d’espèces bien connues : des roses, des œillets, des glaïeuls, des lys, des narcisses, des iris, des mimosas, etc.

A notre époque où le boom urbanistique ne cesse de s’accroître au détriment de la beauté du paysage, la présence des fleurs ne fait que renforcer les liens entre citadins entourés de béton et Dame nature.

Cependant, force est de constater que le citoyen tunisien n’achète qu’occasionnellement un bouquet de fleurs, le prix souvent élevé de ces plantes odorantes est apparemment la seule explication valable de cet état de fait.

Un joli bouquet regroupant quelques roses, œillets et chrysanthèmes dont la durée de vie se limite à 4 ou 5 jours et dont le prix dépasse les 20 D, n’est pas à la portée de toutes les bourses.

Qu’en pensent les fleuristes

Am Hamda, fleuriste chevronné, disposant d’un joli stand à l’avenue, nous explique que la fleur native du mois de décembre ou de janvier est nettement plus chère que le crin de coq ou l’œillet, qui poussent en toute saison, c’est que la fixation du prix de revient dépend de la nature de l’espèce et de la saison. Le prix unitaire baisse au printemps, alors qu’il grimpe en hiver à cause de l’entretien et la surveillance accrue des espèces hivernales qui poussent sous serre. Faut-il signaler aussi que le coût élevé des semences florales est dû au phénomène d’importation, car en Tunisie, la sélection par hybridation en floriculture n’est pas à la portée de nos horticulteurs.

R.H., un autre fleuriste, nous fait part de ses ennuis : «Cela  fait 40 ans que je vends des fleurs sur l’avenue. Ma situation financière ne fait que stagner pour ne pas dire dégringoler. Elle a, en fait, empiré depuis «l’an de grâce 2000», quand nous avons été chassés par la municipalité de Tunis et sommés de ne plus exposer sur le terre-plein central de l’avenue Bourguiba!…».  «Oui !», rétorque son voisin. «Avant, on était tout près des passants et des promeneurs de tout âge, actuellement la vente occasionnelle est presque inexistante, ici on est complètement isolé… Parfois, j’ai l’impression que je mendie à force de solliciter les passants»… Et le vieux propriétaire du stand voisin d’ajouter: «A l’époque coloniale, j’étais fleuriste ambulant. Je  gagnais bien ma vie, mes clients étaient des Français, des Italiens, des Maltais qui avaient un faible pour toutes les variétés de fleurs. Actuellement, je possède tout un stand floral bien implanté au centre-ville, la quantité des fleurs jetées dépasse de loin celle vendue !».

Et de poursuivre : «On nous reproche la hausse des prix. En réalité, cette hausse trouve son évidence dans la loi de l’offre et de la demande : tant que la demande est faible, les prix demeurent élevés, car on est en droit d’exiger un minimum de gain».

Mohamed, un autre fleuriste, la cinquantaine, souffre aussi de la mévente, il explique : «Nous, fleuristes, notre situation financière va de mal en pis. Avant les années 80, notre nombre dépassait à peine la trentaine. Actuellement plus de 500 fleuristes opèrent dans le Grand-Tunis. Les deux dernières années ont été cauchemardesques à cause de la Covid-19, notre activité était complètement gelée et on a été  réduit au chômage forcé!».

Vivement l’été

Excepté les périodes de pointe, telle la Saint-Valentin à la mi-février et la fête des mères fin mai, où la vente des fleurs est appréciable, ce secteur connaît tout de même une intense activité pendant l’été, période de mariage; de telles cérémonies sont égayées par les fameuses corbeilles à fleurs accompagnant les mariés. «Dans de telles occasions, on ne se soucie guère du prix», nous confie un jeune fleuriste exerçant à l’avenue. «L’été est incontestablement la saison où l’on se permet de faire des bénéfices»,  aux cérémonies de mariage, on est aussi appelé à décorer le fauteuil de la mariée», poursuit notre interlocuteur, qui précise : «La décoration florale relève de tout un art, elle doit se faire avec beaucoup de goût et d’harmonie».

Après l’été, c’est l’automne et c’est, de nouveau, la saison des vaches maigres.

Cependant quelques fleuristes chevronnés essaient de combler la mévente par des contrats avec les hôtels et restaurants de luxe; car ces lieux sollicités par les clients et touristes s’embellissent mieux avec la décoration florale. La courbe des ventes atteint un autre sommet durant la deuxième quinzaine de décembre, période durant laquelle les fleuristes s’attellent à exhiber leur décoration dans les boutiques, les magasins les salons privés et autres…

Eloge de  Baba Aziz

(Abdelaziz El Aroui)

Il s’avère bien que nos amis fleuristes sont peu satisfaits de leur rendement; leur activité est plutôt saisonnière et évolue en dents de scie.

Am Lazhar, un de ces vieux fleuristes, n’a pas cessé de faire l’éloge de Baba Aziz (El Aroui), qui ne cessait de son vivant à inciter le citoyen ordinaire d’acheter une fleur et l’offrir à sa bien-aimée, un geste à la fois symbolique, relevant de la galanterie et qui fait plaisir au fleuriste !

Tarek ZARROUK

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