Mohamed Ali Nahdi, acteur et réalisateur, à La Presse: «S’autoproduire est aujourd’hui du suicide !» 

Acteur et réalisateur, Mohamed Ali Nahdi vient de réaliser son premier long-métrage «Moez». Dans cet entretien, il nous parle de sa première expérience dans le monde de la distribution et de ses craintes face à la grande distribution internationale qui s’installe en Tunisie.

On vous reproche dans votre film «Moez» que vous n’ayez pas su bien manipuler le côté documentaire et le côté fiction…

Le fait d’avoir mélangé ces deux côtés dans mon film est assez spécial. En tout cas, c’est un risque qui a réussi à mon sens, puisqu’en Tunisie, je n’ai pas vu un film qui mêle le documentaire à la fiction mais aussi aux news, puisque le spectateur regarde les informations à la télé relatant ce qui s’est passé en Tunisie. Personnellement, je suis très content des retours et j’ai essayé de faire un travail original, puisque les spectateurs sont habitués à regarder le documentaire fiction classique. Aujourd’hui, les genres sont en train de se mélanger les uns aux autres. Je le dis et je l’assume, avec «Moez», les gens ont vu un autre genre de cinéma que je n’ai pas inventé, mais où j’ai pris un risque pour présenter quelque chose de différent.

C’est un film qui est autofinancé, c’est également un risque que vous avez voulu prendre…

C’est un film autofinancé par ma société et SVP Production, mais qui a bénéficié d’une aide à la finition. C’est le genre de film qui a nécessité un financement lourd, puisque c’est un film d’action où il y a des fusillades et des poursuites, avec 15 décors et 130 personnes entre la préparation, le tournage et la postproduction. Personnellement, j’ai investi tout ce que j’avais dans ce film et on a eu une petite aide complémentaire pour laquelle il a fallu rencontrer cinq ministres…

C’est intéressant aujourd’hui

de s’autoproduire ?

C’est une sorte de suicide! Personnellement, je ne le referai jamais! D’abord, parce que je n’ai plus les moyens de le faire, ensuite les circuits de distribution en Tunisie sont problématiques. 

C’est votre première expérience avec la distribution, comment l’avez-vous vécue ?

Ce film m’a permis de connaître le monde de la distribution et de la diffusion. Je suis réellement choqué parce qu’il n’y a pas de règles! Pour le moment, il y a deux distributeurs et si le film est distribué chez l’un, il ne le sera pas chez l’autre. Sur un autre plan, le distributeur prend 50% des recettes et encore 50% s’il passe dans sa salle. Ainsi, le distributeur se taille dans les 75% des recettes. L’industrie de la distribution internationale comme Pathé est une bonne chose, mais c’est une distribution qui doit être canonisée pour protéger le film tunisien. Une grande partie de la recette des films tunisiens (environ 70%) vient de Pathé aujourd’hui. C’est un monopole en devenir face auquel il faut protéger le cinéma tunisien.

Laisser un commentaire