Recherche au sein des entreprises : Des projets innovants laissés pour compte !

L’entreprise ne peut prospérer et assurer une croissance continue sans donner l’importance nécessaire à la recherche/développement et en favorisant l’innovation et la créativité. C’est ainsi que l’entreprise sera en mesure d’exporter et de vendre pour le marché local. C’est que les consommateurs sont toujours à la recherche de nouveaux produits répondant à leurs exigences et à leur curiosité. Ces exigences changent au fil du temps, ce qui oblige l’entreprise à s’adapter aux nouvelles tendances. Or, l’on constate, aujourd’hui, que les produits mis sur le marché dans le secteur de l’industrie ne répondent pas vraiment à une demande de plus en plus raffinée.
D’où la nécessité d’élaborer des études approfondies sur les nouvelles demandes des consommateurs aussi bien à l’étranger qu’en Tunisie. Les firmes internationales procèdent, en tout cas, de cette façon et avant de mettre un produit sur le marché, elles réalisent des études scientifiques pour connaître, de façon précise, les demandes et les tendances des consommateurs. Il n’est pas normal que les entreprises locales continuent à travailler d’une façon archaïque, en restant en vase clos, loin des aspirations des consommateurs.
A noter que la recherche/développement concerne toutes les filières de l’industrie comme le textile-habillement, le cuir et chaussures, les industries alimentaires, les matériaux de construction et les accessoires mécaniques, électriques et électroniques. Du chemin reste encore à parcourir pour atteindre des résultats probants susceptibles d’améliorer le niveau des exportations.

Consentir l’investissement nécessaire
Pour ce faire, les chefs d’entreprise sont appelés à consentir les investissements nécessaires en vue d’encourager la recherche/développement et l’innovation. A l’heure actuelle et compte tenu de la situation difficile d’une grande partie de nos entreprises, il est contraignant d’allouer une enveloppe conséquente pour ce domaine. On essaye donc de naviguer à vue pour continuer à exporter en proposant des produits démodés. Certes, certaines entreprises tunisiennes se sont distinguées du lot et ont réussi à s’imposer sur le marché international grâce à des produits à haute valeur ajoutée.
On peut citer, à titre d’exemple, les produits bios (huile d’olive, miel, dattes, confitures, olives) qui sont exportés dans les quatre coins du monde. Mais les quantités produites sont infimes par rapport à une demande qui se compte par millions de par le monde. Tous les consommateurs se sont rendu compte de l’importance de ces produits et de leurs vertus sur la santé. Ils sont prêts, par conséquent, à payer le prix fort pour s’offrir un produit bio provenant de Tunisie ou de tout autre pays respectant les normes en vigueur. Toutefois, les industriels peuvent diversifier la palette des produits afin de toucher plusieurs marchés et augmenter leurs entrées en devises.
Pour effectuer des travaux en recherche/développement, certaines entreprises ont recours aux centres de recherche, aux cabinets de consultations privés ou à des ingénieurs et des experts spécialisés qui sont chargés d’effectuer des tâches précises dans le cadre des programmes-objectifs. En effet, les chercheurs sont mobilisés par les entreprises pour réaliser des projets afin d’atteindre des objectifs précis, en l’occurrence l’accroissement des ventes à un taux défini par avance. Dans ce cas, le chef d’entreprise est prêt à investir de gros montants qui seront amortis une fois le produit mis sur le marché.

Des résultats de recherche inexploités
Il s’est avéré que plusieurs recherches ont été effectuées par des experts reconnus au niveau national, qui ont abouti à des projets innovants, mais qui sont restés dans les tiroirs des centres de recherche. Ces projets ont nécessité des sommes faramineuses et des mois, voire des années de travail sans être exploités pour diverses raisons. En effet, en l’absence d’une structure de coordination entre le système de recherche et les unités de production, d’innovation obtenue n’est pas utilisée. C’est le cas notamment dans le secteur agricole qui est resté tributaire dans une large mesure des conditions climatiques.
Pourtant, des chercheurs ont réussi à innover en proposant des plants et des semences à haute productivité. Certains agronomes ont mis au point des olives au goût succulent et qui ne nécessitent pas une irrigation poussée. C’est dire que la Tunisie dispose des compétences et des innovateurs qui peuvent faire des prouesses si les encouragements matériels et les conditions de travail adéquates leur sont fournis. Encore faut-il qu’une structure de coordination entre la recherche et la production soit installée dans les meilleurs délais. En attendant, ce sont les structures d’appui et les organisations professionnelles qui s’acquittent actuellement de cette tâche.
On a constaté aussi que plusieurs laboratoires de recherche et des unités de développement des projets manquent d’équipements et de moyens de travail, ce qui ne permet pas à l’innovateur et au chercheur de mener à bien son projet. Il est contraint, parfois, de terminer sa recherche à l’étranger, dans des centres mieux équipés, pour pouvoir relever le défi.

L’attentisme des innovateurs
Plusieurs innovateurs se contentent de réaliser des projets personnels avant de les enregistrer à l’Institut national de normalisation et de propriété industrielle (Innorpi). Ce sont des innovations de haut niveau qui peuvent être industrialisées mais qui restent à l’état de prototype. C’est que les brevets d’invention déposés ne font pas l’objet d’une exploitation par nos industriels.
Les sommes consenties par l’innovateur restent improductives à cause de cette passivité constatée chez bon nombre d’industriels qui ne veulent pas changer leur méthode de travail en proposant sur le marché de nouveaux produits innovants à haute valeur ajoutée.
Pourtant, partout, l’innovation occupe une place de choix dans le système productif. Presque chaque mois, les industriels essayent de mettre sur le marché un produit nouveau pour séduire les consommateurs et les inciter à acheter. C’est pour cela qu’ils n’hésitent pas à investir pour promouvoir la recherche/développement. La situation doit changer pour que l’innovation devienne un élément stratégique au sein de toute entreprise qui veut prospérer et réaliser une croissance à deux chiffres.
Dans le cadre de l’ouverture de l’université sur son environnement, il est possible également d’exploiter les projets de fin d’études des étudiants dans les entreprises. Ces projets sont souvent innovants et de bonne qualité, qui ne bénéficient pas de l’intérêt nécessaire de la part des industriels. Encadrés par des enseignants et des experts chevronnés, les étudiants mettent tout leur savoir académique pour la concrétisation de leur projet qui peut concerner les différentes filières de l’industrie et de l’agriculture.
Pour faire de la Tunisie un hub de l’innovation industrielle, il est nécessaire de mobiliser les fonds nécessaires, de consolider l’infrastructure de la recherche/développement et de l’innovation, d’installer des équipements modernes et des moyens de travail dans le cadre d’un environnement stimulant. Le chercheur ou l’innovateur doit également être soutenu et encouragé matériellement et moralement pour atteindre les objectifs escomptés. Le partenariat avec les centres de recherche internationaux s’avère intéressant et permet un transfert de technologie profitable à notre industrie.

Repères…
• Certains innovateurs tunisiens ont vendu leurs effets personnels pour pouvoir réaliser leurs projets qui n’ont jamais été exploités par les industriels malgré les contacts répétés auprès des chefs d’entreprise.
• Les idées innovantes ne peuvent se concrétiser si les moyens de travail ne sont pas disponibles au sein du laboratoire. D’où la nécessité de prévoir des laboratoires ultramodernes destinés à la recherche/développement.
• L’innovation doit être enseignée dès l’âge scolaire pour encourager les jeunes à chercher de nouvelles idées. Cette orientation doit se poursuivre dans l’enseignement supérieur dans les différentes branches.
• Le partenariat entre les centres de recherche en Tunisie et ceux qui se trouvent en Europe peut être d’une grande utilité pour confronter les expériences et bénéficier dans la mesure du possible d’un transfert de la technologie.
• Le secteur de la recherche commence à se féminiser et l’on compte plusieurs chercheuses qui travaillent sur des projets innovants susceptibles d’être exploités par les industriels soucieux d’améliorer leurs performances.

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