L’acteur Aziz Jebali à La Presse : «Transmettre toute cette folie au public est important»

Crédit photo : © Beyram Ben Mrad
Aziz Jebali est Talel dans «Baraa» de Sami Fehri, «Borghol» pour la 2e année consécutive dans «Ken Yamakanech» de Abdelhamid Bouchnak et continue de cartonner dans «Terre 2.0» sur scène. L’artiste revient sur son actualité récente prolifique au cinéma, à la télévision et au théâtre. Rencontre.

«Terre 2.0» a été présentée quelques années et a revu le jour dans sa nouvelle formule pendant Ramadan. Quelle est sa genèse ?

C’est un projet qui a été conçu à «El Teatro» dans le cadre d’un mini-festival qui se tenait à l’époque, dédié aux «avant-premières». Environ trois représentations ont été faites, suivies de quelques cycles à une époque où je n’avais pas encore de public, que je ne faisais que du théâtre, sans micro, dans de petites salles… Je m’étais dit qu’il faut la retravailler et la ressortir, juste avant le début de la pandémie qui a évidemment beaucoup retardé le travail. Il s’agit d’une modification de la pièce effectuée parallèlement à mon évolution personnelle en tant qu’artiste. Dans «Terre 2.0», j’ai fini par ajouter de nouveaux personnages, de nouveaux effets, comme les projections, en réécrivant quelques parties, y compris la fin… Le spectacle a, en effet, beaucoup changé depuis sa création jusqu’à maintenant.

Peut-on dire que c’était le moment pour vous de vous lancer dans le «One Man Show» ?

«Terre 2.0» reste un monodrame. J’avais deux choix : opter pour le renouveau total en étant satisfait, ou le présenter à un large public qui ne le connaît pas et d’éviter ainsi de le laisser aux oubliettes. J’ai préféré davantage le développer pour que le public le découvre et éviter de passer à un autre projet. «Terre 2.0» est atemporel, universel qui n’a rien à voir avec l’actualité. Un spectacle que je pourrais faire en plusieurs versions et le présenter partout. Le présenter en supprimant, ou en ajoutant de nouveaux personnages et d’autres axes.

Mais le spectacle reste fondamentalement tunisien…

Il est 100% tunisien en se basant sur la composition des personnages. On y évoque même «une tunisification» en cours. Les personnages sont représentatifs des Tunisiens. J’aimerais créer une parité entre ces mêmes personnages et à travers laquelle des transformations se feront. Mais c’est clair que, pour le moment, tout reste fondamentalement tunisien. Les personnages sont issus de mon enfance, ils sont inspirants. J’ai commencé par deux personnages en plein casting et ils se sont depuis multipliés.

L’affiche du spectacle est très parlante… 

Elle a été conçue par Farah Henchir, une amie graphiste qui vit au Portugal. Il s’agit d’une nouvelle affiche et elle est, en effet, parlante. Farah, en se basant sur le synopsis, a fait le nécessaire. J’en suis satisfait.

De la scène à la télé. Cette année, on vous a découvert dans le rôle de Talel avec «Baraa» de Sami Fehri et vous avez rempilé pour la 2e saison de «Ken ya Makanech» de Abdelhamid Bouchnak…

Pour «Baraa», je devais jouer un autre rôle que Talel. Je devais faire Karim, le rôle interprété par Amine Ben Salah. Le premier jour du tournage, on m’a proposé celui de Talel. Je ne tenais pas à ce que les deux tournages se chevauchent. Heureusement que ça n’a pas été le cas, d’autant plus que les deux personnages sont totalement différents. Le rôle de Talel paraît ne pas avoir une marge de jeu importante mais l’interpréter était tout de même difficile : Talel est passif, il exécute, il ne parle pas beaucoup, il ne passe pas à l’action, il n’est pas attachant, il est intrigant, il est présent tout en étant distant… Et il reste quand même expressif physiquement et très présent. Il est antipathique. C’était nouveau pour moi d’incarner un personnage pareil. Entre «Borghol» et Talel, il y a un monde. Je ne suis pas comédien et je ne veux pas qu’on me classe : je suis preneur, je varie les rôles et je me dois d’interpréter tous types de personnages. Ce n’est pas le rôle de Talel qui a fait parler, c’est plus le sujet et je l’avais vu venir d’avance. Les dommages causés par Ouanes sont bien plus voyants. Les réactions du public, pour moi, étaient excellentes. C’est satisfaisant. Et je suis encore plus satisfait du travail collectif élaboré.

Selon la note finale de «Baraa», il y a de fortes probabilités qu’une suite puisse avoir lieu l’année prochaine et que le personnage de Talel évolue…

Une suite n’est toujours pas confirmée pour l’instant, mais l’idée que le personnage évolue est présente. On veut bien, pourquoi pas ? Le succès était au rendez-vous. Pareil pour «Ken ya Makanech». Nouveau souffle, nouvelle étape.

En quoi cette saison était-elle différente de la 1ère ?

On a travaillé avec beaucoup plus d’assurance. On était plus relax, moins de stress. L’année dernière, il y a eu beaucoup de pression : on se posait des questions, et on se demandait si on devait aller jusqu’au bout, se lâcher, ce qu’allaient être les retours. On savait où on allait cette année, il y a beaucoup plus de rires, d’humour. L’épisode des pharaons était remarquable. Qu’on puisse transmettre toute cette folie au public est important. Le scénario était plus maîtrisé. Il n’empêche que certains préfèrent la première saison. Vivement la prochaine folie…

Comment décrivez-vous votre rapport au théâtre, au cinéma et à la télévision ?

Ils sont complémentaires, mais le théâtre me nourrit et me permet de me donner davantage dans le cinéma et la télévision. C’est la base. Quand on endosse 8 ou 9 personnages sur scène, ça peut prendre des années. Un temps plus important sur scène est nécessaire pour une meilleure maîtrise. Le théâtre reste le moteur. C’est clair. Se trouver dans du cinéma commercial est bien aussi : travailler tout et rester preneur.

Le cinéma du genre ou d’auteur est bien également. Pour la télévision, j’aimerais davantage jouer en dehors de Ramadan. C’est intense de se retrouver dans cette spirale pendant quelque temps et étrange à la fois d’être à l’arrêt jusqu’au prochain Ramadan. Il faut que cela change. Entre les acteurs connus et la nouvelle génération, le niveau était globalement élevé à la télévision.

L’émergence des plateformes de streaming peut-elle changer la donne, selon vous ?

Oui. Si les sponsors suivent l’évolution et commencent à travailler avec ces mêmes plateformes et à produire leurs propres films et séries et à en faire des productions originales. Le travail doit, en effet, se faire à la longue. Le visionnage ne se fait pas gratuitement aussi : on paye pour des plateformes à l’étranger, pourquoi ne le ferons-nous pas en Tunisie? Beaucoup de travail reste à faire.

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