Financement et état de santé des PME | Un goulot d’étranglement

Les petites et moyennes entreprises (PME) sont les plus exposées aux chocs et fluctuations économiques comparativement aux grandes entreprises et font face aux difficultés d’accès au financement bancaire en raison de leurs spécificités, de la nature de leur structuration et de leurs conditions de travail. La problématique du financement constitue l’un des obstacles majeurs au développement des PME tunisiennes.

La contrainte de financement des PME est certainement l’obstacle le plus visible. Pour nombre de dirigeants de PME, le financement constitue l’un des obstacles majeurs à la croissance de leurs entreprises. La propagation du coronavirus  a impacté amplement l’activité économique de la Tunisie, surtout au niveau des entreprises qui ont été considérablement touchées par cette pandémie.

Selon le porte-parole de l’Association nationale des PME, Abderrazek Houas, la situation actuelle de cette catégorie d’entreprises est « catastrophique », précisant que près de 140.000 PME sont en faillite et 45.000  autres menacées par une banqueroute. Et d’ajouter que « le gouvernement n’a pu trouver jusqu’à aujourd’hui les solutions adéquates (financements) à ce secteur depuis la propagation de la pandémie.

De même, 13% des entreprises à participation étrangère ont déclaré avoir fermé leurs portes à cause des impacts de la pandémie de la Covid-19, selon l’enquête annuelle du Baromètre de la santé des PME “MIQYES”, réalisé par la Conect.

Cette enquête qui a ciblé un échantillon de 527 PME, durant la période du 21 septembre au 5 novembre 2021, montre que 84% de ces entreprises ont vu leurs activités impactées par la crise sanitaire. 70% des entreprises interrogées ont souligné une régression de leur chiffre d’affaires en 2020, contre 34% en 2018.

A l’instar des éditions précédentes du MIQYES, l’administration fiscale est considérée par les dirigeants des PME comme le principal blocage administratif (19,7%), suivie des douanes (16,5%) et enfin des autorisations (13,1%). En effet, 30% des sociétés à capital majoritairement étranger considèrent que la douane représente une source de blocages administratifs à leurs activités.

Contraintes structurelles

Le manque de fonds et de soutien  des pouvoirs publics, surtout après la récession que le pays a connue en raison de la pandémie de la Covid19, a causé la faillite de plusieurs d’entre elles, en plus des pressions financières subies par d’autres. L’Association nationale des petites et moyennes entreprises a révélé que les tribunaux tunisiens sont saisis de deux millions d’affaires d’émission de chèques sans provision et huit mille propriétaires d’entreprises  sont emprisonnés en raison de leur incapacité à rembourser leurs dettes.

La crise économique, qui a suivi la crise sanitaire, n’a fait que révéler les contraintes structurelles auxquelles sont confrontées les très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) en Tunisie. Ces TPME, qui concentrent près des trois quarts des emplois, représentent le vecteur privilégié pour la relance de l’emploi.

Dans ce contexte, la Banque africaine de développement et l’Organisation internationale du travail ont conjointement mené une étude pour analyser la situation des TPME et de l’emploi afin de proposer des pistes d’intervention. Elle s’appuie notamment sur une enquête menée en 2020 par la Banque auprès de plus de 2 000 TPME.

L’étude a montré que 65 % des TPME ont connu une réduction considérable de leur chiffre d’affaires. Une entreprise sur cinq a dû fermer, et une sur six a dû réduire sa masse salariale. Cette conjoncture a entraîné, à la fin 2020, la perte de plus de 133 000 emplois en comparaison avec 2019.

« Les TPME ont été plus vulnérables à la crise parce qu’elles étaient déjà confrontées à des problèmes structurels qui affectaient leur potentiel de croissance et leur contribution au PIB (30 %). En premier lieu, les besoins en financement des TPME se chiffrent à hauteur de 16 % du PIB. En second lieu, un accès limité aux marchés régionaux et internationaux s’explique en partie par une faible intégration des TPME (36 %) dans les chaînes de valeur ». Par ailleurs, différents facteurs sont pris en considération, notamment « le faible niveau d’utilisation du numérique, réduisant la productivité du travail au sein des TPME, ce qui explique en partie qu’une majorité d’entre elles opère dans le secteur informel (70 % des indépendants) ».

Les recommandations issues de cette étude s’articulent autour de plusieurs axes dont la préservation des PME économiquement viables d’une éventuelle fermeture, la promotion de l’investissement privé et l’entrepreneuriat dans les chaînes de valeur à forte intensité de main-d’œuvre, l’appui de l’intégration du secteur informel.

«Dhamen Express» : levier d’accompagnement aux PME

Le nouveau mécanisme de garantie des crédits aux PME «Dhamen Express» et la solution digitale de son déploiement proposée aux banques partenaires ont été présentés,  en mars 2022, lors de la  signature des conventions entre la Sotugar et les banques partenaires organisée au siège de l’Association professionnelle tunisienne des banques et des établissements financiers (Aptbef).

Tahar Ben Hatira, président-directeur général de la Sotugar, précise que « l’opérationnalisation de ce mécanisme s’est faite grâce à l’appui technique de l’Usaid (Agence des Etats-Unis pour le développement international) pour la digitalisation du mécanisme de garantie. L’assistance technique de l’Usaid intervient à cette phase critique de digitalisation de la première partie du process après le soutien initial de la Banque mondiale ». Et de  préciser que « les ressources disponibles au mécanisme «Dhamen Express» permettront la garantie de financement des PME à hauteur de 250 millions de dinars (MDT) à l’horizon 2023, ce qui représente plus que le double des performances actuelles du fonds de garantie PME ».

De son côté, Hichem Rebai, vice-président de l’Aptbef et directeur général de la BH Bank, a fait remarquer que « le mécanisme «Dhamen Express» vient au bon moment pour profiter de cette dynamique et relayer les mécanismes Sare (Soutien et Appui à la Résiliences des Entreprises), compte tenu surtout de l’impact attendu et l’efficacité et la simplicité qu’il présente. Il a rappelé que grâce aux multiples avantages qu’offre le nouveau mécanisme notamment, un champ élargi des activités éligibles, une prise en charge des crédits à l’export d’une manière illimitée et ceux couvrant les besoins en fonds de roulement des entreprises, pour une période plus longue avec une option d’une garantie partielle de portefeuille et surtout une indemnisation rapide et à première demande, ne peuvent qu’encourager les banques et les investisseurs en capital pour accompagner les PME ».

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