Étude de l’OCDE sur les défis économiques de la Tunisie : L’urgence des réformes structurelles se confirme 

L’étude, qui a été publiée par l’Ocde au mois d’avril dernier, dépeint la situation économique de la Tunisie après la crise Covid. Elle dresse, également, des recommandations permettant de stimuler la croissance et d’améliorer les perspectives d’emploi, notamment pour les jeunes. 

Les principaux résultats et recommandations de l’étude économique ont été présentés par les économistes principaux de l’Ocde, Andréa Goldstein et Robert Grunke, lors de la table ronde qui a été organisée, récemment à Tunis, par le Laboratoire d’Intégration économique internationale (LIEI). Elle comporte deux parties : une première partie consacrée à l’analyse de la situation économique de la Tunisie et un deuxième volet qui s’intéresse aux défis de l’emploi.

Les mêmes maux économiques

L’intervention de l’économiste Andréa Goldstein a porté sur la première partie de l’étude. Il a affirmé que la reprise économique, après la récession provoquée par la crise Covid, sera plus lente en Tunisie en comparaison avec  les pays de référence de l’Ocde. Soulignant que la convergence des revenus de la Tunisie s’est arrêtée depuis plusieurs années, il a précisé qu’après la crise Covid, l’écart entre revenus s’est accentué. Lors de son intervention, le représentant de l’Ocde a énuméré les principales recommandations pouvant conduire à un rétablissement des équilibres macroéconomiques. Il s’agit, en effet, de : rationaliser les dépenses publiques, améliorer le recouvrement de l’impôt, élargir l’assiette fiscale, éviter le recours au financement monétaire du déficit budgétaire et sur le moyen terme, adopter une feuille de route pour une politique de ciblage de l’inflation. En outre, l’étude dresse une analyse détaillée  de la situation économique en Tunisie. Le document rappelle que  les déficits jumeaux constituent une source de vulnérabilité pour l’économie tunisienne. Les maux économiques sont multiples : un endettement très élevé, une masse salariale considérable qui absorbe une partie importante des recettes publiques, des investissements publics à la baisse, des entreprises publiques qui pèsent lourd malgré la faible productivité qui les pénalise et une faible concurrence dans le secteur bancaire caractérisé par une  proportion élevée des prêts non performants. L’économiste a, dans ce contexte, souligné l’importance des réformes structurelles et de leur rôle dans le redressement économique du pays. Il a affirmé que selon le modèle de simulation de l’Ocde,  les effets des réformes structurelles sur la croissance et sur la réduction aussi bien du poids de la dette que de la vulnérabilité de la Tunisie aux chocs futurs sont très significatifs.  D’où la nécessité de communiquer sur ces réformes et de convaincre l’opinion publique des avantages qu’elles génèrent pour l’ensemble du pays.

Inégalités frappantes sur l’emploi 

De son côté, l’économiste Robert Grunke a  dressé un état des lieux du marché du travail en Tunisie. En effet, le pays souffre d’un chômage élevé en comparaison même avec des pays voisins. Le taux d’occupation des nouveaux arrivants sur le marché du travail est très faible, notamment pour les jeunes diplômés universitaires. L’informalité du travail touche particulièrement les femmes et les hommes peu qualifiés. Le taux de chômage varie fortement selon les régions, sachant que  les régions côtières sont moins frappées par ce fléau. L’étude explique cet écart par le fait que l’activité économique est plutôt concentrée sur les régions de l’Est où s’est installé  le secteur offshore. L’étude souligne que la faible mobilité des primo-demandeurs d’emploi, notamment les femmes et ceux issus des régions intérieures, compromet leur accès au marché de l’emploi.

La faible création d’emplois qualifiés et l’inaccessibilité des nouvelles entreprises au marché  expliquent le niveau élevé du chômage des diplômés de l’enseignement universitaire. Selon le modèle Metro de l’Ocde, l’adoption de mesures permettant  un meilleur accès des entreprises on-shore au marché, en l’occurrence l’abaissement des droits de douane ( qui permet aux entreprises de se doter de biens capitaux et des produits intermédiaires) ainsi que la révision des mesures non tarifaires, devrait conduire à un gain de productivité. En effet, l’ouverture de l’économie tunisienne devrait augmenter le taux d’occupation des personnes qualifiées de 16%. Pour cibler une meilleure employabilité, l’étude recommande ainsi de réduire les autorisations préalables—une véritable barrière à l’entrée des nouvelles entreprises—, d’abaisser les droits de douane et de simplifier le système fiscal.

Le rapport s’intéresse également à l’évaluation de l’éducation et de la formation professionnelle en Tunisie. Il souligne une inadéquation entre les besoins des entreprises et les compétences des nouveaux  arrivants sur le marché de l’emploi, notamment en matière de soft skills. Le document révèle également l’inégalité entre une élite bien formée pouvant intégrer facilement le marché du travail, et une masse de jeunes qui a un faible niveau de compétences. Ce gap traduit un problème au niveau de l’éducation préscolaire qui touche particulièrement les ménages vulnérables. Parmi les recommandations préconisées par l’étude, on cite la formation continue, l’accès à l’éducation préscolaire et l’amélioration des services publics de l’emploi.


«La crise de l’Etat providence et le déficit de croissance  à l’origine des maux »

Commentant l’étude, Taoufik Rajhi, ex-ministre chargé des grandes réformes, a souligné que les maux économiques, dont souffre la Tunisie, puisent leur origine dans deux grandes crises : une crise de l’Etat providence et une deuxième touchant le mode de gouvernance politique. Le déficit de croissance qu’a connu la Tunisie au cours des dernières années étant le facteur qui  sous-tend  ces deux crises majeures. Expliquant que l’intervention sociale de l’Etat est très importante, Rajhi a pointé du doigt la faible capacité de réguler le système de dépenses sociales. «Le grand problème qui est à l’origine de ces maux est le déficit de croissance. En effet, la croissance n’est pas suffisante pour financer un Etat providence à l’européenne. […] Cette crise de l’Etat providence est aussi le résultat du modèle de gouvernance politique: on n’a pas réussi à avoir un pouvoir exécutif réformateur ! », a-t-il précisé. Il a ajouté que la Tunisie  a besoin d’un programme d’urgence qui permet de redresser l’économie nationale. Ses principaux objectifs stratégiques : atteindre une croissance soutenue (à travers la relance des secteurs minier et pétrolier), assainir les finances publiques (grâce à la maîtrise de la masse salariale, l’abaissement du ratio de la dette, le redressement des caisses sociales et des entreprises publiques, la maîtrise des dépenses de compensation et la réforme de la fiscalité), réduire les inégalité et financer l’économie, notamment  en rehaussant le taux d’épargne, en stimulant l’investissement et en réduisant le  déficit budgétaire.


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