Pourquoi une nouvelle constitution ?

Editorial La Presse

LA Constitution de 2014, qui sera abolie bientôt au profit d’une nouvelle Constitution, est-elle si mauvaise que cela ? Sans rentrer dans les détails du droit constitutionnel, on peut dire que la Constitution de 2014, conçue par l’Assemblée constituante, et malgré des zones floues, notamment la nature du régime politique (avec un amalgame entre le régime parlementaire et présidentiel), n’était pas un ratage.      

Elle a certes adopté tacitement un régime mixte où la gouvernance est très difficile, notamment après quelques années de démocratie, mais les frontières entre les prérogatives du Président et celles du Chef du gouvernement sont assez nettes. Les problèmes qu’on a rencontrés se rattachent aux attitudes politiques et à l’envie des deux têtes de l’exécutif d’accaparer le pouvoir. Le problème également est que les jeux macabres des partis au pouvoir à l’époque ont bloqué la création d’une Cour constitutionnelle. Outre la corruption qui a envahi la scène politique, sans oublier l’effritement de l’autorité de l’Etat, faute d’une politique d’envergure et de couverture légale aux organes juridiques de contrôle.

Cette Constitution n’est pas celle d’un seul parti, comme le disent certains. C’est une aberration pas innocente, car à l’époque, les dissensions qu’on a vues étaient telles que l’on a eu recours à une opération  de conciliation très délicate entre toutes les sensibilités politiques présentes. Cette Constitution a garanti, sur le papier,  la liberté d’expression et de conscience, le droit de vote, le droit à l’activité associative, ainsi que la décentralisation, la bonne gouvernance  et la marge de manœuvre donnée aux conseils municipaux. Les textes prononcés vont avec les changements sociopolitiques profonds de l’après- 2011. Tout dérapage survenu après n’est pas la faute de la Constitution de 2014 mais de l’exercice du pouvoir. Que servirait alors une nouvelle constitution qui requiert beaucoup de temps et de moyens pour être rédigée, soumise à référendum et, le cas échéant, modifiée ? Certains observateurs craignent même que la nouvelle constitution qui s’écrit sans avoir consulté les partis, les associations et maints experts, ne marque une rupture avec les acquis politiques de la Constitution de 2014. Allons-nous vers un nouveau régime politique où le concept classique des partis et des élections dans un schéma d’alternance au pouvoir cèderait la place à une nouvelle forme de dictature au nom des dogmes populistes qui ont ruiné des pays ? La Constitution, en tant que contrat clair entre les pouvoirs et entre le citoyen et l’Etat, ne peut pas émaner  seulement de ce que décident les citoyens lors d’un référendum, mais en même temps du bon sens, des expériences comparées, de l’avis des experts dans le domaine, et surtout de l’accumulation de la pratique politique. C’est quelque chose de lourd et de fatidique pour une nation. La changer n’est pas un luxe.

Un commentaire

  1. Brahim

    06/06/2022 à 19:38

    Bonne approche et analyse de cette question cruciale pour le pays que représente la nouvelle Constitution conçue et élaborée par un seul homme au sein d’un cercle fermé et dont on ne connaîtra les contours lors du référendum ! Mais je crains que nous soyons déçus. Car le maître de Carthage brille plus par ses hululements qui n’effraient plus personne que par ses compétences politiques.

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