On nous écrit | Festival littéraire Étonnants Voyageurs : Focus sur la Tunisie à Saint-Malo

Par Raouia KHEDHER
Les 4, 5 et 6 juin, la littérature tunisienne francophone était à l’honneur lors de l’un des plus grands festivals internationaux du livre et du film. «Etonnants Voyageurs», tel est le nom de ce rendez-vous annuel à Saint-Malo, en Bretagne, qui réunit, depuis plus de trente ans, les amoureux des mots et du livre, mais aussi, et avant tout, les passionnés de rencontres, les friands de partage, et les férus de voyages. Grâce à un partenariat mis en place par l’Institut Français de Tunisie, une délégation tunisienne composée de 10 auteurs et une cinéaste, accompagnés par une équipe de modérateurs et d’organisateurs, a mis sa pierre à l’édifice pour «ré-enchanter » le monde- pour coller à la thématique de cette édition- le temps d’une parenthèse enchantée. 

Saint-Malo, ville portuaire de Bretagne, au nord-ouest de la France, nous invite au prélassement intellectuel. La «Dolce Vita» ici ne se traduit pas uniquement par la baignade et les gaufres au caramel beurre salé. C’est, quelque part, la douceur des rencontres artistiques lors d’un festival qui a su créer une véritable dynamique touristique, artistique et économique dans cette ville riche de ses monuments historiques.

«Etonnants Voyageurs», c’est d’abord une aventure littéraire, imaginée par son fondateur, le grand écrivain Michel Lebris, qui voulait mettre en place un festival littéraire différent «Pour une littérature voyageuse, aventureuse, soucieuse de dire le monde». Exit les salons où l’on passe ses journées à déambuler ou derrière les tables pour signer des ouvrages.

Ainsi, est né, en 1990, cet étonnant festival, avec un sacré mélange : des rencontres, de grands débats, des demi-journées complètes avec des films suivis de débats, des cafés littéraires, des spectacles, des expositions, des films, des lectures, des petits-déjeuners et des apéros avec les auteurs, des animations jeunesse, un immense salon du livre, etc. Et chaque année, c’est avec le même engouement que se retrouvent auteurs, éditeurs, libraires, bibliophiles ou simples lecteurs occasionnels ; près de 60.000 visiteurs viennent chaque année pour vivre ce grand moment de partage.

Cette année, et après deux ans d’absence, ainsi que la mort du fondateur, la 32e édition a enfin lieu en «présentiel». Cependant, et durant ces deux années, le festival n’a pas chômé. Son édition «Hors les murs» s’est poursuivie, notamment à travers l’organisation du Congrès des écrivains de langue française qui s’est tenu à Tunis, en septembre 2021. De là est née cette idée du focus Tunisie pour la nouvelle édition.

Les débats du congrès ont permis d’aborder beaucoup de questions liées à notre rapport à la langue française, aux blessures de l’Histoire. L’idée était de tout simplement prolonger cette célébration de la langue par une mise en dialogue des différentes littératures — particulièrement tunisienne — avec le reste du monde.

L’idée est concrétisée ! Et voilà les ambassadeurs de la Tunisie partis à Saint-Malo dialoguer autour de thématiques, comme la migration, l’histoire commune, l’imaginaire, l’émancipation, les limites de la fiction et du rêve, l’espoir de la jeunesse, etc.

Emma Belhaj Yahia, Sophie Bessis, Azza Filali, Mohamed Harmel, Ahmed Mahfoudh, Yamen Manai, Saber Mansouri, Sami Mokaddem, Faouzia Zouari, Zied Bakir et Raja Amari ont, tour à tour, pris part aux débats, dont certains étaient modérés par Ahlem Ghayaza et Hatem Bourial. Chaque panel affichait complet. Les salles étaient combles de personnes venues en savoir plus sur ce pays et sa littérature, ses défis et ses espoirs futurs. A la fin du panel dédié à la Tunisie, et où étaient présents à la même table Yamen Manai, Raja Amari, Ahmed Mahfoudh et Sami Mokaddem, brillamment modéré par Ahlem Ghayaza, une dame me dit : «Je ne connaissais pas grand-chose à la littérature tunisienne. Cela m’a donné envie de lire ces auteurs si différents, mais si intéressants et si engagés».

A la fin de chaque panel, ils sont nombreux à se ruer au stand du salon du livre dédié à notre littérature pour acheter: «Bel abîme», «En pays assoiffés», «Sept Morts audacieux et un poète assis» et d’autres ouvrages portant haut et fort le label «Tunisie».

Et le soir, dans la ville intra-muros tout encerclée de remparts, les débats se poursuivent entre les multiples nationalités assises à une même table, avec, pour seuls points communs : la langue française et l’amour des mots.

Au bout de ces trois jours, de «la plus belle manifestation littéraire du monde», comme l’a exprimé Le Clézio, nous voilà repartis, complétement ré-enchantés et remplis d’espoir, non sans un beau sentiment de fierté d’avoir si bien représenté la Tunisie à travers la noblesse de l’art et la sincérité des sentiments.

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