Extraction des hydrocarbures non conventionnels: Il est temps d’y penser sérieusement !

Selon les spécialistes, l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels doit être  une des pistes à explorer, car le sous-sol tunisien recèle un potentiel assez intéressant de gaz et de pétrole de schiste. Pour eux, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain mais il faut plutôt soupeser le pour et le contre. Selon l’Agence américaine d’information sur l’énergie, les formations de schiste  tunisiennes contiennent 23 mille milliards de pieds cubes de ressources de gaz et 1,5 milliard de barils de ressources de pétrole techniquement récupérables.

Depuis le début  des années 2000, le paysage énergétique mondial a commencé à changer. L’impératif de transition énergétique, nourri par une urgence climatique avérée, le désinvestissement des énergies fossiles, les engagements financiers qui sont de plus en plus importants au profit de la production des énergies propres ainsi que la percée du schiste américain étaient autant de facteurs qui ont contribué à changer la donne énergétique au cours des dernières années. Mais dire que les énergies renouvelables sont l’Eldorado, la panacée qui va permettre d’éradiquer la fringale de combustibles  est un leurre : plus de 80% de l’énergie primaire consommée dans le monde provient du pétrole, du charbon, ou du gaz.

Gaz de schiste et indépendance énergétique

La guerre en Ukraine l’a bien montré, le monde dépend toujours (et peut-être encore  pour une longue période) des énergies fossiles. D’ailleurs, c’est dans ce contexte où l’énergie joue un rôle crucial dans la géopolitique mondiale que l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels s’est avérée particulièrement intéressante. En effet, le pétrole et le gaz de schiste avaient un rôle à jouer dans la régulation du marché mondial de l’énergie. Selon les statistiques publiées, le schiste américain a fortement contribué à l’absorption de la hausse de la demande mondiale de pétrole depuis 2008. Le développement de la production du gaz de schiste a permis aux Etats-Unis de recouvrer leur indépendance énergétique et de devenir le premier producteur de gaz au monde. L’Europe, qui a tant honni le gaz de schiste (en raison de la technique de son extraction qui repose sur  la fracturation hydraulique réputée pour ses répercussions néfastes sur l’environnement), se trouve aujourd’hui acculée à se tourner vers le schiste américain, afin de faire face à la coupure du gaz russe.

Épée de Damoclès qui menace l’avenir

énergétique du pays

Dans ce contexte d’incertitudes et de tensions géopolitiques qui plombent le marché mondial de pétrole, comment la Tunisie peut-elle s’en sortir ? Car, entre un marché de pétrole tendu et un approvisionnement qui peut être à tout moment interrompu, c’est l’épée de Damoclès qui menace l’avenir énergétique du pays. Il est vrai que la question est de plus en plus inquiétante puisque les grands gisements sont entrés en phase de déclin. Et même si la Tunisie parvient à atteindre ses objectifs en matière d’énergies renouvelables, à savoir 35% du mix énergétique à l’horizon 2030, assurer les 65% restantes de la demande nationale d’énergie serait l’équation à résoudre. Bien sûr, les spécialistes appellent à la reprise des investissements  dans l’exploration et la production d’hydrocarbures conventionnels. Mais, selon les experts, l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels doit être  une des pistes à explorer. Car le sous-sol tunisien recèle un potentiel de gaz et de pétrole de schiste. Pour eux, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain mais il faut plutôt soupeser le pour et le contre.

Une manne mais pas sans conséquences ?

Selon l’Agence américaine d’information sur l’énergie (Energy Information Administration ou EIA), la Tunisie dispose de deux importantes formations de schiste situées dans la région du Sud dans le bassin de Ghadames (ou Berkine). L’agence estime que les formations tunisiennes contiennent 23 mille milliards de pieds cubes de ressources de gaz de schiste et 1,5 milliard de barils de ressources de pétrole de schiste techniquement récupérables. Une véritable manne pour un pays qui veut y mettre le prix pour  assurer sa sécurité énergétique. S’agissant des inconvénients de l’exploitation des ressources en schiste, les diverses  études évoquent des menaces pour l’environnement liées à la technique d’extraction qui repose sur la fracturation hydraulique. Elle devrait causer la pollution des nappes phréatiques, des séismes et exige des quantités importantes d’eau. En 2013, une polémique sur l’extraction du gaz de schiste a enflé  lorsqu’un géant pétrolier a annoncé qu’il envisage d’exploiter le gaz de schiste tunisien. Les investissements ont été abandonnés. Depuis, il n’y a rien de nouveau sous le soleil.

Évaluer l’acceptabilité sociale

«On a abordé la question en 2011/ 2012, mais malheureusement il y avait une forte pression sociétale et peut-être politique. Mais, en fin de compte, on n’a rien  fait, sauf qu’on a entamé une étude stratégique  pour évaluer  l’impact de l’exploitation du gaz de schiste de manière générale sur l’économie tunisienne, l’environnement  et sur la vie sociale.

On a engagé, depuis 2013, une étude qui s’appelle étude environnementale stratégique  qui va nous éclairer sur cette acceptabilité publique et l’impact de cette ressource sur l’économie tunisienne. L’étude est en cours, elle n’est pas encore achevée», a déclaré, à ce sujet,  le directeur général des hydrocarbures, Rachid Ben Daly.  Il a ajouté que le plus grand sujet qui doit être abordé à travers cette étude est l’acceptabilité publique vis-à-vis de ce projet. «On ne peut pas entamer un projet pareil,  structurant, controversé sans cette acceptation», fait-il remarquer.

Ben Daly a fait savoir que les résultats de cette étude vont permettre d’élucider plusieurs questions. Tout d’abord, elle va permettre d’identifier le potentiel de cette ressource (est-ce que la Tunisie en dispose réellement). Il s’agit également d’estimer la rentabilité économique mais également l’acceptabilité sociale de cette exploitation. Enfin, elle permettra d’étudier la conformité avec les normes environnementales. « Si c’est oui, nous en tant qu’autorité, en tant que gouvernement, nous devons préparer le cadre réglementaire. Ce sont des préalables avant de déclarer quoi que ce soit pour savoir si la Tunisie est prête à entamer cette expérience d’exploitation de gaz de schiste ou non », a-t-il expliqué.

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