Nouvelle Constitution: Victoire de la division ou retour au dialogue ?

Le Chef de l’Etat, président de tous les Tunisiens, élu pour cinq ans au moins, est aujourd’hui devant deux options. La première, la plus facile sans doute, est de narguer les « perdants », continuer à tenir un discours clivant et à « mépriser » l’establishment politique et ses composantes. La seconde option, moins évidente mais plus noble, est de capitaliser sur sa victoire personnelle et le plébiscite d’une partie importante des Tunisiens, pour enfin amorcer un nouveau dialogue politique global, sur la base de la nouvelle Constitution.

Quelle que soit l’interprétation des résultats du référendum du 25 juillet, que le taux de participation soit au plus bas, que le « OUI » l’emporte avec un taux exagérément haut, la nouvelle Constitution de la nouvelle République voulue par Kaïs Saïed et validée par la majorité des suffrages exprimés entrera en vigueur dès l’annonce des résultats officiels par l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie). Le fait est que les Tunisiens, lundi, avaient trois alternatives et non pas deux. Voter en faveur du projet du Président, voter contre le projet, ou s’abstenir, soit par désintérêt, soit en guise de position politique hostile à la méthode Saïed.

Sur le plan légal donc, la Tunisie entre dans ce qu’on pourrait appeler la troisième République dans laquelle continueront à vivre collectivement près de 12 millions de Tunisiens, qu’ils aient ou non voté en sa faveur. Légalement seulement, car sur le terrain et on le voit nettement, l’analyse des résultats montre bien que la Tunisie n’a pas pour autant tourné la page des divisions politiques et la crise n’a jamais été aussi grande.

Le Chef de l’Etat, président de tous les Tunisiens, élu pour cinq ans au moins, est aujourd’hui devant deux options. La première option, la plus facile sans doute, est de narguer les « perdants », continuer à tenir un discours clivant et à mépriser l’establishment politique et ses composantes. La seconde option, moins évidente mais plus noble, est de capitaliser sur sa victoire personnelle et le plébiscite d’une partie importante des Tunisiens, pour enfin amorcer un nouveau dialogue politique global, sur la base de la nouvelle Constitution. En d’autres termes, jouer la carte de l’humilité tout en mettant l’opposition devant le fait accompli et l’inviter à un dialogue national avec, au bout du compte, une réconciliation nationale.

Dans ce cas précis, la balle passera dans le camp de l’opposition radicale qui aura à son tour deux alternatives : continuer à considérer le Président de la République comme un « dictateur » à faire chuter tout le processus, ou, au contraire, jouer la carte de l’apaisement et considérer Kaïs Saïed seulement comme un adversaire politique à gérer selon les nouvelles règles du jeu.

Mais quelques heures seulement après le dévoilement des premiers résultats, les déclarations des uns et des autres n’augurent rien de bon.

Fêtant sa victoire avec ses partisans au centre-ville de la capitale, le Chef de l’Etat déclare, non sans une certaine autosuffisance, que les dés sont jetés et que le peuple a dit son mot, mais également que le rôle des partis politiques sera de plus en plus faible. D’ailleurs, il annonce dans la foulée qu’une nouvelle loi électorale sera publiée prochainement, qui fera transformer le visage du prochain scrutin législatif prévu en décembre prochain.

Pas de désescalade non plus du côté de l’opposition radicale. Le Front de salut national, mené par le chevronné Ahmed Nejib Chebbi, conteste, lors d’une conférence de presse tenue hier les résultats du référendum et déclare que la « lutte » contre le Président de la République va se durcir. Nejib Chebbi annonce même que dans les jours qui viennent « un gouvernement de sauvetage » issu de la coalition pourrait voir le jour.

Mais le terrain, la plus grande préoccupation des Tunisiens, est avant tout d’ordre économique. Une responsabilité de plus qui incombe au Chef de l’Etat, qui aura pour mission de prouver à son peuple que la nouvelle République a changé le quotidien des classes ouvrières et agricoles, de la classe moyenne et des chefs d’entreprise.

Le problème est qu’un tel travail risque de prendre du temps. Il est important pour ceux qui gouvernent, comme pour ceux qui sont dans l’opposition, de comprendre que le pays légal et institutionnel est parfois aux antipodes du pays réel.

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