«Superman est arabe» de Joumana Haddad: Les femmes n’ont pas besoin de super héros

Le livre de Joumana Haddad décortique et déconstruit l’image de l’hyper-mâle dans le monde arabe. A redécouvrir.

On ne sort pas d’un livre de Joumana Haddad sans avoir de blessures narcissiques lorsqu’on appartient au sexe masculin, du moins sans la volonté de se remettre en question pour les plus avertis d’entre nous… Nous, c’est-à-dire les hommes de culture arabo-musulmane et appartenant à ce que l’auteur appelle «le père, le frère, le copain, l’époux, le voisin, le policier, le cheikh, le journaliste, le publicitaire, le politicien, le collègue de bureau, etc. En clair, le type d’à côté». Voici un peu le «casting» de Joumana Haddad dans son nouveau livre «Superman est arabe», un livre écrit  avec la même verve, la même sincérité, le même humour grinçant que «J’ai tué shérazade». Un livre qui n’est pas sans nous rappeler, dans son tempérament, celui  de Virginie Despentes «King  kong thérapie» mais avec la hargne et le langage «très» nu en moins. Mais on ne peut pas s’empêcher de comparer ces deux auteurs complètement engagées dans le combat féministe moderne.

Dans ce livre, Joumana Haddad décortique, déconstruit et sonde l’hyper-mâle arabe  et remonte aux origines de la formation du machisme dans son esprit. Elle découvre pourquoi cet «arabe»  se prend pour Superman. «Cette réalité, que je décris ici,écrit-elle,  m’amena plus tard à découvrir une analogie frappante et, selon moi, tout à fait crédible : “Superman est un Arabe!” Même dédoublement de la personnalité, même prétention à incarner le sauveur, mêmes attitudes de macho. Le même couplet : “Je représente le bien, tout le reste, c’est le mal.” Entre réflexions, humour, envolées lyriques et poétiques, l’auteur dénonce le système patriarcal qui sévit dans le monde arabe . Elle explique enfin pourquoi au superhéros  elle préfère son double Clark Kant. «Plus tard, beaucoup plus tard, il m’apparut un jour comme une évidence que ce monde, et en particulier les femmes, n’avaient que faire d’hommes d’acier. Ce qu’il leur fallait, c’étaient des hommes véritables. Oui, de vrais hommes, avec leur maladresse, leur timidité, leurs travers, leurs défauts et leurs points faibles. Des hommes sans identité secrète. Des hommes qui ne croient pas forcément qu’ils voient plus loin que vous, qu’ils entendent mieux que vous, qu’ils courent plus vite que vous et, surtout, qu’ils pensent mieux que vous.Des hommes qui ne se signifient pas par leurs performances sexuelles ou par leur compte en banque. Des hommes qui vous écoutent vraiment, au lieu de vous venir en aide avec condescendance. Des hommes véritables, qui ne se sentent pas humiliés ou castrés parce que, de temps à autre, ils peinent à obtenir une érection. De vrais hommes qui discutent avec vous de ce qui est mieux pour tous deux au lieu de dire, sur un ton arrogant : “Laisse-moi m’en occuper !” Des hommes qui vous considèrent comme une partenaire, et non comme une proie, ou une épreuve, voire un trophée. Des hommes qui partagent avec vous leurs problèmes et leurs préoccupations, au lieu de s’obstiner à tenter de tout résoudre tout seuls. Des hommes qui, en un mot, n’ont pas honte de vous demander la direction à suivre, au lieu de prétendre tout savoir, souvent au risque de se perdre.

«Comme si le monde arabe n’était pas assez analysé, secoué et mis sous la loupe, ces derniers temps, pour qu’un livre comme «Superman est arabe» s’ajoute au tas», diraient certains. Mais le bon sens dirait il est temps de remettre l’image de la masculinité arabe dans un tube à essai et de lui faire subir des expériences nouvelles. C’est ce que semble affirmer Joumana Haddad. Car, selon elle, ces luttes pour la liberté ne mèneront à rien sans l’affirmation d’une nouvelle masculinité arabe.

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