Le paysage politique à l’heure du 25 juillet : Saïed a-t-il redistribué les cartes ?

Comment se présente actuellement le paysage politique ? Quelles sont les répercussions des décisions présidentielles et du référendum sur sa composition ? Kaïs Saïed a-t-il mis fin au régime partidaire qui régnait depuis 2011 ?

La Tunisie connaît une crise politique inédite depuis une année. Alors que tous les partis politiques, ou presque, ont refusé les dispositions du 25 juillet, le Président de la République est allé jusqu’au bout de son projet en organisant le référendum sur la nouvelle Constitution, boycotté par plusieurs parties politiques et autres.

Au fait, si le Président de la République avait mis toute la classe politique devant le fait accompli, aujourd’hui, c’est le paysage politique qui est frappé de plein fouet par ces rebondissements. Cela n’est pas sans conséquence sur l’organisation interne des partis. Comment se forme actuellement le paysage politique ? Quelles sont les répercussions des décisions présidentielles et du référendum sur sa composition ? Kaïs Saïed a-t-il mis fin au régime partidaire qui régnait depuis 2011 ?

A l’issue des résultats du référendum qui marquaient une large approbation de la nouvelle Constitution, en dépit du taux de participation jugé faible, les partis politiques ont remis en cause la démarche du Président de la République mais aussi l’utilité de la nouvelle Constitution.

Néanmoins, ces résultats ne sont pas sans conséquence sur le paysage politique. Alors que certains partis sombrent toujours dans le déni de la réalité imposée par Kaïs Saïed, d’autres optent toujours pour des méthodes traditionnelles et obsolètes pour rester au-devant de la scène politique.

Actuellement, ce paysage politique vibre au rythme des divergences. Si le parti Ennahdha parvient à rassembler quelques couleurs politiques sous l’étendard de ce qu’on appelle la «mouvance anti-coup d’Etat», les autres partis politiques ont vu leur poids et leur influence régresser de manière considérable et significative. 

Au cœur de cet échiquier politique, il n’en demeure pas moins que le Parti destourien libre (PDL), bénéficiant des positions et des apparitions médiatiques de sa présidente Abir Moussi, est toujours attaché à ses principes : lutter contre la mouvance islamiste en Tunisie. Mais encore faut-il l’admettre, le coup du 25 juillet et l’organisation du référendum ont d’une manière ou d’une autre redistribué les cartes de ce parti politique qui dominait depuis plusieurs mois les sondages d’opinion. Sa présidente faisait de son opposition à Ennahdha une arme de persuasion politique et une stratégie de visibilité dans ce paysage. 

«Une classe politique corrompue»

A vrai dire, ce sont les cartes de toute la classe politique qui ont été redistribuées sous l’effet du processus du 25 juillet. Incapable d’imposer leur mot en l’absence d’un parlement et de mobiliser la foule dans la rue, ces partis ne bénéficient plus d’une marge de manœuvre. Les observateurs de la scène nationale s’accordent sur ce constat : Kaïs Saïed a bel et bien mis fin, ou du moins limité considérablement le pouvoir du régime partidaire.  

En effet, c’est un régime partidaire qui a été mis en place depuis 2011 et qui exploitait les règles instaurées par la Constitution à des fins partisanes. Le système du parti Ennahdha utra-dominant, notamment sur la scène parlementaire, permettait par le biais des faux compromis et des jeux d’alliances de faire prévaloir les intérêts partisans au détriment de l’intérêt général du pays. Dès le départ, la Tunisie a vécu trois années, dirigée par un régime d’assemblée où la troïka au pouvoir faisait passer ses options politiques sans tenir compte de l’avis de l’opposition complètement marginalisée. Sur le plan structurel, on remarquait en effet une prédominance de l’organe législatif sur l’exécutif.  Ce régime de pouvoir ni parfaitement présidentiel, ni complètement parlementaire, accentuait ce pouvoir partidaire qui s’est effondré la nuit du 25 juillet 2021, mais à quel prix ?

Expliquant l’émergence de Kaïs Saïed comme un «sauveur de la patrie», le chercheur Eric Gobe pense que le Président de la République a exploité l’image ternie de toute la classe politique tunisienne. «En dénonçant une classe politique corrompue, alliée aux accapareurs et contrebandiers qui ont pillé la richesse du peuple, le discours du président tunisien a su traduire le malaise exprimé par la majorité sociale exclue, invisibilisée et non représentée, tout en répondant aux aspirations des classes moyennes urbaines revendiquant la restauration de l’autorité d’un État mis en coupe réglée par des réseaux de transaction collusive entre le personnel politique et certains acteurs économiques des secteurs formel et informel», détaille-t-il.

Quelles réactions ?

Autant dire que la vraie réaction de cette classe politique se fait toujours attendre. Ces partis vont-ils céder finalement au processus du Président de la République et participer aux prochaines élections législatives après amendement de la loi électorale ?

Justement, aujourd’hui, c’est la loi électorale qui fait polémique. Le Président de la République avait annoncé qu’elle allait être amendée pour donner lieu à de «véritables élections». Cette nouvelle loi permettra d’élire les membres du Parlement et du Conseil des districts. Elle devra également barrer la route à certains partis politiques liés à des financements étrangers.

«Une loi électorale sera rédigée pour élire les membres du Parlement, du Conseil des régions et des districts conformément à ce qui a été énoncé dans la (nouvelle) Constitution, permettant à ceux qui étaient complètement marginalisés et éliminés de participer à la prise de décision», avait promis Kaïs Saïed.

Les partis politiques vont-ils participer à ces élections et quel paysage politique va émerger à l’issue de ces élections ? Ces questions restent en suspens tant que la nouvelle loi électorale n’a pas été dévoilée.  

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