Les artistes Anna Ill (Espagne), Safa Attyaoui (Tunisie) et Souad Douibi (Algérie) ont présenté, le week-end dernier, le fruit de leur séjour artistique au Centre des arts vivants de Radès, réalisé dans le cadre d’une résidence de création. Trois femmes, trois visions, trois discours, trois projets. Tout tourne autour de « l’entrelacement », sous toutes ses coutures.
Anna III s’est principalement intéressée à la légende de la fondation de Carthage par Elissa (le mythe du découpage de la peau de bœuf en fines lamelles). Elle réalise une vidéo performance au cœur du site archéologique faisant revivre, à sa manière, les âmes du passé. Et les traces de cette performance, elle les met en scène et les expose sans pour autant les contextualiser : elles parlent d’elles-mêmes. Dans le même sens, l’artiste s’est amusée à récupérer des objets du passé : tamis, miroir, peigne à fer, table à laver, chemise, fer, crayon et plante de…Carthage. Une panoplie de matériaux est utilisée : éponge de luffa, bois, pierre, ciment, henné, liège, mais le fil est toujours là, «libre» ou entrelacé, constituant des trames tissées. De son côté, Safa Attyaoui, dont le discours esthétique s’articule autour de la mémoire, de la trace et de la construction identitaire, propose des œuvres avec collage et broderie sur tissu. Elle questionne le rapport de l’homme à son entourage et interroge le quotidien, en se focalisant sur les arrêts de bus, les gares. Ces lieux d’attente et de passage, d’apparence anodins, deviennent, désormais, signifiants. Si la technique n’est pas nouvelle dans l’art contemporain (broderie de texte sur tissu), le propos, lui, est assez original. La plasticienne et performeuse algérienne Souad Douibi est restée fidèle à sa démarche et à son cachet habituels, à savoir l’approche sociale des performances. Une approche provocatrice : l’artiste déstabilise le quotidien pour le secouer. Pendant sa résidence au Centre des arts vivants de Radès, elle en a réalisé plusieurs au cœur de la Ville de Tunis, interpellant les passants, et gardant les artefacts pour l’exposition (sefsari «aux poissons», photos, peintures,…) ; artefacts qui gagneront, il faut le dire, à être revus. Mais ce qui a marqué, c’est certainement la performance dans le train de la banlieue nord de Tunis où Souad Douibi s’est vraiment aventurée — non sans risque(s) — à entrelacer des bobines de fils entre les passagers suscitant des réactions diverses. « Peut-être c’est aussi ça le but de l’art. Entrelacer les émotions entre les êtres humains», écrit-elle.
« Entrelacés » se poursuit jusqu’au 10 juillet prochain au bonheur des amateurs d’un certain genre de l’art contemporain, parallèlement à l’exposition de fin d’année du Centre des arts vivants de Radès avec ses différentes sections.

(Crédit photo : Dorra Achour)

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