Prestations administratives et développement: L’administration, toujours en hibernation

Dans les années 1980, le Premier ministre, feu Mohamed Mzali, avait promis des facilitations administratives pour essayer de lever les obstacles qui empêchent le Tunisien d’accomplir ses démarches. Les mêmes intentions ont été formulées par le chef du gouvernement d’avant le 25 juillet. Mais ces promesses sont restées lettre morte. L’administration est toujours en hibernation et le citoyen est obligé d’accomplir, chaque jour, des miracles pour parvenir à surmonter toutes les tracasseries.

Rien n’a changé depuis des lustres concernant ce qu’on appelle les simplifications ou facilitations des procédures administratives. Où que l’on aille, on se trouve face aux difficultés les plus inattendues et aux scénarios les plus bizarroïdes. Les agents à qui on a affaire semblent venir d’une autre planète. Malgré tous les soins que l’administré prend pour être en règle et répondre à toutes les exigences, il est impossible qu’il parvienne à réaliser ce qu’il voulait entreprendre, du premier coup. Il y a, toujours, quelque chose qui manque ou qui n’est pas en règle selon l’employé qu’on a en face. 

Des personnels inadéquats

Tel dossier n’est pas complet ou tel papier n’est pas le bon ou tel autre est périmé ou qu’il n’est pas conforme ou, ou…

La liste des motifs de rejet ou de refus est longue. Aussi, voit-on des milliers de Tunisiens aller et venir d’un service à l’autre et d’un fonctionnaire à l’autre pour obtenir une carte d’identité, un passeport, un crédit, une autorisation de bâtir ou d’investir, une adhésion à la Cnss pour un petit commerçant, un branchement à la Sonede ou à la Steg, une inscription à un concours, le lancement d’un petit ou d’un grand projet, etc.   

Du coup, lorsqu’on arrive à obtenir sa carte d’identité ou son passeport c’est comme si on venait de réaliser un exploit. Pouvoir mettre sur pied un projet ou concrétiser une idée est, aussi, un exploit. 

Pourtant, quand on regarde bien, les Tunisiens, dont nous parlons (c’est vous et nous), vivent quotidiennement dans ce climat suffocant et décourageant sans pour autant baisser les bras. Malgré les humiliations et les brimades qu’ils subissent à leur corps défendant, ils persistent et insistent. Même s’ils se sentent à  bout de souffle, ils gardent cet espoir qu’ils pourront, un jour, voir se réaliser leurs rêves. Or, ce qu’ils demandent n’est pas irréalisable. Tout au plus veulent-ils régulariser leur situation et être conformes avec les lois en vigueur. Car la plupart des Tunisiens ne cherchent pas à outrepasser leurs droits. Par conséquent, ils exigent l’application stricte des réglementations. 

Ils refusent, par contre, d’être des victimes permanentes des incompétences de certains agents administratifs et d’être exploités par eux sans pouvoir accéder aux recours nécessaires. 

Alors que des discours officiels ne cessent de nous vanter l’avènement de l’ère du tout numérique, l’administré est confronté à longueur de journée aux abus les plus outrageants et aux tracasseries les plus inimaginables. Et, le comble c’est que, jusqu’à présent, on ne voit pas le bout du tunnel. Un exemple des plus aberrants est celui d’un Tunisien voulant lancer un projet touristique. Son témoignage livré à un journal est, tout simplement, choquant. L’homme en question parle d’un dossier formé de 3 kg de papier !  Il a arpenté tous les couloirs des administrations, des ministères, des différents services. Cela dure depuis des années sans avoir une réponse claire. Quels que soient les griefs que l’on peut avoir, de telles situations illustrent, clairement, les énormes difficultés que le Tunisien rencontre dans sa vie. C’est ce qui l’oblige, parfois, à abandonner toute idée d’investir dans son pays ou dans sa région. Les démarches administratives qu’il entreprend l’épuisent et le dissuadent. Très souvent, certains promoteurs sont ruinés avant d’avoir réussi à mettre sur pied leur projet à cause des diverses tracasseries.

Une carte multiservices

Actuellement, plusieurs propositions s’adressent aux usagers pour leur demander de se mettre à l’heure de la numérisation des services. Les offres viennent de toutes les parties et on a l’impression que chacune d’elles ne tient compte que d’elle-même. Le citoyen n’a pas l’impression qu’il y a une véritable coordination. Ainsi, chaque administration nous propose sa carte digitale (Cnam, poste, banque, e-houiya, e-jibaya, etc.). Les données s’entassent et l’utilisateur doit composer avec une multitude de codes, de mots de passe, de numéros de cartes…

Et l’on sait que de nouvelles innovations sont en vue avec toutes ces applications qui cherchent (nous dit-on), à nous faciliter la vie. Dans cette optique, il serait dans la logique des choses de trouver un moyen d’unifier les efforts et de fournir un identifiant unique pour chaque citoyen lui permettant d’accomplir les démarches les plus utiles sans avoir à jongler avec une multitude de cartes électroniques.

Quant aux autres démarches qui adoptent jusqu’à présent les schémas classiques, il faudrait s’en tenir aux listes officielles des documents à exiger. Il est inacceptable de bombarder les gens d’un nombre incalculable de paperasses et d’inventer des documents qui n’existent pas dans les listes établies. Sur ce point, tout le monde a remarqué que les agents ou les fonctionnaires préposés éprouvent un malin plaisir à contrarier ceux qui viennent pour demander une prestation. C’est pourquoi il ne serait plus acceptable de laisser ces personnes se livrer à ces pratiques fort préjudiciables à l’image de l’administration et aux intérêts de l’administré. Il ne serait pas acceptable, également, de passer des jours, des semaines, voire des mois à aller et venir pour exécuter telle ou telle démarche qui pourrait se faire en quelques heures ou un peu plus ! 

La Tunisie ne pourra pas avancer avec une telle administration et avec de telles lourdeurs. Les retards accumulés dans le lancement d’un projet peuvent être une source d’échec. Les entraves dressées devant les gens les empêchent de constituer les dossiers nécessaires au bon déroulement de leurs intérêts et, par suite, constituent des motifs de colère et de mécontentement.

Alors, nous pourrions imaginer notre pays sans ces sangsues et sans ces empêcheurs de tourner en rond. Que serait-il ? Si, chaque jour, on doit accomplir des prouesses pour obtenir un document d’identité ou un passeport ou une autorisation, on peut dire que le Tunisien serait capable d’investir cette énergie ailleurs. Dans l’innovation, la créativité, l’invention, etc. Au lieu de se laisser emporter par le cercle infernal des combines, des intermédiaires et autres magouilles pour parvenir à obtenir un simple papier ! 

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