
Voici le premier long métrage de Anis Lassoued qui sort après un long parcours dans la production .Le film sera sur nos écrans à partir du 28 septembre. Nous l’avons visionné lors de la projection presse. Notre avis.
Dans son premier long métrage «Gadha», Anis Lassoued provoque la rencontre de deux mondes : la classe bourgeoise et la classe modeste à travers l’histoire de deux enfants «Gadha» et «Oussema». Le film ne s’étale pas sur ce qui sépare ces deux mondes, mais il parle de ce qui les relie organiquement et humainement. Ces deux mondes sont-ils capables de fraterniser ? Les gens aisés peuvent-ils acheter les pauvres ? Si oui, qu’est-ce qui se passe après ? Il s’agit d’une porte de lecture du film, cependant, elle est très importante dans la mesure où elle conditionne tous les rapports entre les personnages. L’enfant Gadha, après un accident, se retrouve à l’hôpital. Une fois guéri, il découvre qu’ avec sa mère et sa sœur, il change de quartier et d’amis, habite un quartier chic et mène un nouveau train de vie. C’est une famille généreuse qui leur offre cette situation. Mais ce n’est pas tout ! Il découvre que cette famille a un enfant qu’il doit considérer comme un frère. Le film n’y va pas par quatre chemins, il s’installe dès les premières cinq minutes et fait porter l’histoire par le personnage de Gadha qui monopolise presque tous les plans du film, puisque cette aventure est vécue à travers ses yeux. Au fur et à mesure que le film avance, Gadha découvre le secret qui l’a ramené vers cette maison et dans cette famille. Sa réaction est alors agressive et c’est un moment où le film entre dans un nouveau rythme et nous fait découvrir des personnages qui évoluent. Gadha ne savait pas que pour vivre, il faut payer très cher. Deux principaux personnages, essentiellement, qui sont Gadha (Yassine Tormsi) et Oussema (Ahmed Zakaria Chiboub).
Le scénario de Gadha (écrit par Anis Lassoued et Shema Ben Chabane) a su éviter les clichés d’une problématique trop galvaudée. Avec ce film, pour la première fois, nous découvrons ce sujet traité de manière toute différente. Toute différente aussi la manière dont le film parle de l’immigration clandestine (qui est le réel déclencheur de cette histoire) sans tomber dans le côté «news» du phénomène. Techniquement, le film est irréprochable aussi bien dans son montage assuré par Kahena Attia, que dans sa musique composée par Salim Arjoun. L’image, quant à elle (par Amine Messadi et Adonis Romdhani), est bien écrite avec la lumière, mais il faut trouver la bonne salle de projection pour profiter de tout cela ! Malheureusement, la plupart de nos salles ne permettent pas l’immersion magique par l’image et le son…
Sur un autre plan, nous dirons que si le film se laisse voir avec aisance, c’est grâce aussi au jeu de ses acteurs. A part Jamel Aroui et Chema Ben Chabane, Anis Lassoued a ouvert la porte à des acteurs qui n’ont jamais fait du cinéma. Notons qu’à part la prise de risque, cela donne beaucoup de travail dans la direction…. Nous étions très saisis également par le jeu de Borkana (Dorsaf Ouertani), la mère de Gadha, mais aussi par celui du jeune Ahmed Zakaria Chiboub qui a su nous communiquer une émotion d’enfant, portée par sa voix, mais aussi par son corps qui croyait dur comme fer à cette fraternité des deux mondes qui allait s’effriter. Deux découvertes à notre sens que Anis Lassoued a glanées hors du circuit professionnel et qui sont bourrées de talent.