L’affaire FTF-CSChebba au crible | Entre bonne guerre et mauvais procès…

Le Croissant sportif chebbien risque de mal profiter de sa victoire devant le TAS et de dilapider cet acquis en perturbant le démarrage du championnat par un faux problème de composition et de répartition des poules.

La première journée, la journée inaugurale du championnat, a été suspendue et reportée à une date ultérieure, deux heures avant son coup d’envoi alors que les clubs avaient terminé tous les préparatifs de son déroulement et étaient déjà sur place, dans les vestiaires des stades qui devaient abriter les différentes rencontres. C’est assez ridicule et ça ne peut que donner de la nausée d’être arrivés ou poussés à la prise d’une décision pareille. On ne voit ça, malheureusement, que dans le championnat tunisien où il y a un peu de tout, de tous les mauvais ingrédients, de l’absurdité jusqu’au manquement grave au principe de crédibilité de nos compétitions, au devoir de véhiculer une bonne image de notre football au-delà de nos frontières. Pour une nation qualifiée en Coupe du monde et qui, dans quarante-cinq jours, sera dans la cour des grands,  le spectacle est aussi bien désolant qu’affligeant. Tout ce feu allumé, qui risque d’embraser tout le paysage sportif, est dû à un bras de fer sans fin entre un club, le CSChebba, et la Fédération et tout particulièrement son président Wadie Jary.

Des règlements abusifs

Le Bureau fédéral a été pris à son propre piège et s’est fait cuire lui-même les mains en proclamant et adoptant, sans mûre réflexion, des textes de règlements bizarres et susceptibles de fausser les résultats des matches acquis sur terrain. C’est toujours malheureux et on ne voit ça aussi que dans notre championnat. Tels ces deux articles devenus fameux du Code disciplinaire de la FTF. L’article 31 qui stipule noir sur blanc que « tout dirigeant expulsé ou signalé par l’arbitre sur la feuille de match est automatiquement suspendu jusqu’à décision à son égard de la Commission de Discipline compétente ». Puis  l’article 45 qui va lui jusqu’à «faire perdre le match par pénalité au club dont un dirigeant, encore sous le coup d’une suspension  à titre préventif ou définitif, se trouve présent sur l’aire de jeu et ses abords immédiats y compris la main courante et le banc de touche lors d’un match officiel». Deux articles qui n’auraient pas dû être inclus dans ce Code disciplinaire car le résultat d’un match ne peut être remis en question que pour des infractions aux règlements commises par les joueurs qui ont participé à ce match, soit par des réserves avant la rencontre contre leur qualification, soit par des évocations de fraudes introduites au cas où un joueur suspendu participerait à cette partie, soit par des réserves techniques formulées contre l’arbitre du match en cas d’erreur dans l’application des lois du jeu et soit, enfin, quand un match est arrêté avant qu’il n’arrive à terme pour des cas graves tels que envahissements de terrain. Il n’y avait aucune raison logique pour inclure les infractions aux sanctions encourues par les dirigeants dans le changement du résultat, la perte ou le gain d’un match par pénalité

Le CSChebba a bien joué son coup

Le président du Club Africain, Youssef El Almi, a commis l’incompréhensible imprudence lors du match Club Africain- Croissant Sportif Chebbien, (alors qu’il était encore suspendu pour signalement sur la feuille d’un match précédant ce duel et non prise de mesure disciplinaire à son égard) d’être présent au match où il n’aurait pas dû être présent et d’être la cible parfaite de ces articles 31 et 45 en vigueur. Les dirigeants chebbiens avaient raison de saisir cette perche au bond et de mener une bataille juridique pour gagner sur le tapis les 3 points du salut qui leur auraient évité la relégation d’office. C’est de bonne guerre, il faut l’avouer. Et d’aller ensuite au TAS réclamer une justice que leur avait refusée la Ligue en première instance et la Commission nationale d’appel de la FTF en second ressort. Le Tribunal Arbitral du Sport, convaincu de la justesse de leurs argumentations et du bien-fondé de leur requête, leur a donné raison avant même de statuer sur le fond et a ordonné la réintégration immédiate du Croissant de Chebba en Ligue 1. Ils ont bien le droit de jubiler et de fêter cette victoire sur le plan juridique qui a rétabli leur club dans ses droits. La tête haute, le torse bombé  mais avec tout de même un peu d’humilité et pas dans une atmosphère d’«arrogance» et avec un esprit de vengeance sur les instances qui les auraient lésés. Quand le Bureau fédéral, enclin à faire machine arrière et à obtempérer à la décision du TAS, a mis le CSChebba dans la poule 1, c’est parce que, comme l’a expliqué Wassef Jlaîel, premier vice-président du Bureau fédéral, son classement ,quinzième, la place dans cette poule 1, celle des impairs. Ni plus ni moins. Quand les dirigeants chebbiens cherchent à enfoncer le couteau dans la plaie et vont jusqu’à contester les prérogatives que donne l’article 31 des Règlements sportifs au Bureau fédéral dont, entre autres, «son habilitation exclusive à la précision du format et du calendrier général du championnat, la composition des poules et la répartition des clubs pour chaque poule», alors là on peut dire qu’ils ont emprunté une fausse route et que c’est plus un procès d’intention à la fédération, qu’une défense bien appuyée et assez justifiée d’un droit légitime. Ne pas accepter cette répartition qui repose sur des textes et des critères clairs, refuser de s’y plier, menacer d’aller une nouvelle fois au TAS, ça peut, cette fois, leur jouer un mauvais tour et retourner contre eux ce vent favorable. Les présidents des clubs réunis samedi avec le Bureau fédéral, pour plus de concertation, ont été unanimes pour leur dire stop et cette fois, trop c’est trop. Puisque 14 clubs sur les 15 présents ont voté la nouvelle formule de championnat avec deux poules de 8. Le championnat démarrera la semaine prochaine et le Croissant Sportif Chebbien aurait tort de continuer sa rébellion. Quand on est seuls contre tous, contre 14 clubs cette fois, y compris l’Espérance et l’Etoile qui les ont soutenus dans la première requête devant le TAS, on a intérêt, côté chebbien, à faire preuve de sagesse et d’humilité et de sens de la responsabilité et à être au rendez-vous pour le coup d’envoi de la première journée le week-end prochain. Surtout que des garanties nouvelles ont été données avec la suppression de la rélégation automatique du 7e classé de chaque poule et le vote pour une phase de play-out avec 6 clubs (clubs classés 5e ,.6e et 7e) ce qui accentuera les chances de maintien.

La Fédération a payé cher ses erreurs et sa fuite en avant dans l’affaire Chebba qu’elle aurait pu éviter et a perdu ainsi beaucoup en crédibilité et en image de marque mais pas question quand même de laisser le Croissant Sportif Chebbien s’entêter jusqu’à l’infini. C’est une ligne rouge que ni la Fédération ni aucun club n’ont le droit de franchir.

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