Inflation incontrôlable et baisse du pouvoir d’achat: Qui arrêtera l’hémorragie ?

Sur le plan économique et financier, les mauvaises nouvelles se succèdent en Tunisie. Alors qu’un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) sur une nouvelle ligne de crédit tarde toujours, la crise économique s’enfonce davantage dans le pays, déjà ébranlé par un contexte social instable.

Le quotidien des Tunisiens est loin d’être agréable, la majorité est frappée de plein fouet par une hausse inédite des prix des produits de consommation. Alors que les autorités expliquent cette situation par une conjoncture internationale, il est clair que le gouvernement est en train de préparer la population à la levée progressive de la subvention, un pari plus que risqué sur le plan social. C’est dans ce contexte qu’un nouveau record du taux d’inflation a été enregistré en Tunisie. En effet, l’inflation a confirmé sa tendance haussière, au mois de septembre 2022, en augmentant encore une fois pour atteindre 9,1% en septembre 2022 contre 8,6% en août dernier et après le taux de 8,2% enregistré en juillet dernier, indique l’Institut national de la statistique (INS).

Le taux d’inflation passe à 9,1%, après avoir enregistré 8,6% en août, 8,2% en juillet, 8,1% au mois de juin 2022, et 7,8% au mois de mai, alors qu’il n’était que de 6,7% au mois de janvier. Ce nouveau taux d’inflation bat un nouveau record, puisqu’en août dernier, il s’agissait déjà du taux le plus haut atteint depuis 31 ans. En 1991, la Tunisie avait atteint la moyenne annuelle de 8,2%. Cette progression est expliquée notamment par l’accélération du rythme des hausses des prix des produits alimentaires (13% contre 11,9% en août), des prix du groupe « logement, eau, gaz, électricité et autres combustibles » (6,4%, contre 6,2% en août), ainsi que les prix des biens et services de transport (8,3% contre 8,1% en août). Si l’inflation correspond à une situation de hausse généralisée et durable des prix des biens et des services, elle engendre directement une baisse du pouvoir d’achat des Tunisiens.

En clair, avec la même somme d’argent, on peut acheter moins de choses qu’auparavant, en l’espace de quelques mois. Et aux Tunisiens de le remarquer, l’envolée des prix, ces derniers mois est sans contrôle, cela n’est pas sans conséquences sur leur budget quotidien. Sauf que la hausse des prix concerne pratiquement tous les produits de consommation. Selon plusieurs témoignages, la grogne sociale est assez palpable, notamment dans les rangs des familles les plus démunies. Ce sont notamment les prix des produits agricoles et alimentaires qui connaissent des augmentations récurrentes.

Le TMM, un coup de grâce ?

Dans une tentative de freiner cette tendance haussière de l’inflation, la Banque centrale a procédé à l’augmentation de son taux directeur. Véritable baromètre de la santé de la monnaie, le taux du marché monétaire (TMM) correspond au taux auquel les banques s’empruntent et se prêtent de l’argent entre elles. Il joue un rôle essentiel dans l’activité financière et fluctue en fonction de l’inflation, du chômage, mais aussi de la conjoncture internationale. En effet, le Conseil d’administration de la Banque centrale de Tunisie (BCT) a décidé, lors de sa réunion tenue mercredi 5 octobre 2022, de relever son taux directeur de 25 points de base, à 7,25 %. Les facilités de dépôt et de prêt marginal à 24 heures sont portées, respectivement, à 6,25 et à 8,25 %, a ajouté la BCT dans un communiqué rendu public, précisant que cette décision est entrée en vigueur depuis hier, 6 octobre 2022. Le Conseil d’administration de la Banque centrale de Tunisie a, également, décidé de relever le taux de rémunération de l’épargne (TRE) de 25 points de base, à 6,25%.

Par ailleurs, le Conseil d’administration de la BCT a noté la poursuite de la hausse accélérée et généralisée de l’inflation, marquant le niveau le plus haut atteint depuis plus de trois décennies. Le Conseil a exprimé, dans ce cadre, sa préoccupation quant aux risques haussiers entourant la trajectoire future de l’inflation et souligne l’importance de la coordination des politiques économiques pour éviter une dérive de l’inflation qui pourrait accentuer les vulnérabilités économiques et financières. A cet effet, il a appelé toutes les parties prenantes à soutenir l’action de la Banque centrale dans sa lutte contre l’inflation et dans la préservation de la stabilité financière.

Le Conseil a, par ailleurs, considéré que les pressions inflationnistes demeureraient actives et s’attend à ce que l’impact des facteurs aussi bien internes qu’externes, qui amplifient actuellement les pressions sur les prix à la consommation, persistent au cours des trimestres à venir. C’est dans ce sens que plusieurs économistes ont mis en garde contre une inflation à deux chiffres en Tunisie. D’ailleurs, le gouverneur de la Banque centrale, Marouane Abassi, a estimé que la hausse du taux directeur est un « mal nécessaire » en vue de maîtriser l’inflation en Tunisie. Pour lui, la grande crainte est de voir un taux d’inflation à deux chiffres, c’est-à-dire atteindre les 10% dans les mois à venir. «C’est une catastrophe», a-t-il averti. En tout cas, au milieu de cette crise économique sans précédent, et alors que les ménages tunisiens font face à une nette détérioration de leur pouvoir d’achat, ce sont les citoyens qui vont payer la facture. Si pour la BCT cette décision intervient dans une optique de faire face à la tendance haussière de l’inflation, cette mesure fera relever directement le taux d’endettement des Tunisiens.

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