La Tunisie en panne sèche de carburant: La crise risque-t-elle de persister ?

La crise du carburant bat son plein en Tunisie. Depuis une semaine, le pays est en panne sèche. Dans le Grand-Tunis, on cherche depuis plusieurs jours désespérément l’essence, certains ont dû attendre plusieurs heures devant les stations-services pour faire le plein. Ce qui ne cesse de faire monter la tension sociale, alors que, déjà, le quotidien des Tunisiens n’est guère confortable.

Ce sont aussi les stratégies de communication adoptées par les autorités qui ont accentué cette crise. Si la ministre de l’Industrie, de l’Energie et des Mines, Neila Nouira Gongi, a multiplié les apparitions médiatiques pour démentir l’existence de toute crise, les automobilistes sont rattrapés par la réalité, pas d’essence dans les stations-services.

Au fait, aux origines de cette crise, de fausses informations circulant, le week-end dernier, sur les réseaux sociaux laissant croire à une pénurie du carburant. L’effet de panique a rapidement eu lieu et les Tunisiens ont pris d’assaut les stations-services provoquant en effet une grave pénurie qui dure depuis une semaine.

Les finances de l’Etat ont contribué nettement à cette situation.

Alors que certains ont imputé aux jours fériés et au « beau temps » les problèmes d’approvisionnement des stations-services, il est nécessaire de rappeler que la Tunisie connaît de fortes pressions budgétaires et un manque de devises, certains fournisseurs refusent de livrer, désormais, le carburant faute de paiement.

Malgré les propos rassurants de Neila Nouira Gongi, qui assurait le déchargement d’un gros navire, laissant ainsi entendre que la reprise de l’approvisionnement était imminente, jusqu’à hier vendredi, des témoignages recueillis par La Presse confirment que la crise est bien partie pour s’installer. « J’ai dû passer cinq heures pour pouvoir faire le plein dans une station-services à La Marsa. C’était un cauchemar, imaginez que la queue faisait au moins deux kilomètres de long », témoigne un automobiliste. Pour sa part, une autre femme affirme avoir renoncé à sa voiture et opté pour le transport en commun. « Je suis ce qui se passe sur les réseaux sociaux, la situation est catastrophique, pour faire le trajet depuis ma maison au travail, j’ai opté pour les taxis collectifs », a-t-elle regretté.

Au fait, comme mentionné, c’est la communication officielle qui a enflammé davantage la crise. Le porte-parole du gouvernement, Nasreddine Nsibi, a de son côté attribué les problèmes d’approvisionnement à la crise mondiale et à l’indisponibilité de certains produits subventionnés.

Le stock national en péril ?

Visiblement, pour remédier à la situation, les autorités ont été forcées de recourir au stock national stratégique de carburant. Ce stock, comme dans n’importe quel autre pays, sert à prévenir les crises inattendues provoquées notamment par les catastrophes naturelles ou par les conflits armés. Sauf que selon les affirmations des responsables, de grandes quantités de cette réserve ont été épuisées.

La présidente-directrice générale de la Société tunisienne des industries de raffinage (Stir), Fakhta Mahouachi, a affirmé dans ce sens que la Tunisie dispose d’un stock de carburant, contrairement à ce qui est relayé. Cependant, elle a ajouté que « le stock couvre, dans les situations ordinaires, plus de 75 jours, mais, actuellement, de grandes quantités ont été consommées, et le stock est à un niveau bas, et sera rétabli d’une manière progressive ». La crise que vit le pays ne tient pas, uniquement, à des problèmes de liquidités, mais a été approfondie par la guerre entre l’Ukraine et la Russie, a-t-elle aussi indiqué.

D’autre part, le président-directeur général de la Société nationale de distribution des pétroles (Sndp-Agil), Khaled Bettine, a affirmé que l’approvisionnement en carburant allait reprendre mercredi dernier. Cette reprise devait intervenir après que les camions de distribution des hydrocarbures ont commencé à transporter le carburant aux stations-services. Mais jusqu’à hier, les queues devant les stations-services s’éternisent, certaines sont carrément fermées.

Sur les réseaux sociaux, les internautes s’échangeaient les informations pour accéder à des stations approvisionnées en carburants.

Et si la crise persistait ?

Et si la crise persistait ? La Tunisie est-elle à l’abri de nouvelles séquences de crise de ce genre ? Le président du bureau régional de l’Utica à Sousse a assuré que la crise des carburants va persister encore et qu’il en a averti depuis des mois, et qu’elle a atteint son apogée depuis la semaine du Mouled, probablement à cause d’un surplus de déplacements des citoyens pour se rendre auprès de leurs familles.

« Cette crise est due à un problème de manque de ravitaillement à cause du manque de trésorerie de l’Etat, pour payer ses fournisseurs. 

Dans ces conditions, le propriétaire d’une station-service peut à peine recevoir la moitié de la quantité habituelle qu’il commande », a-t-il expliqué.

Mahmoud El May, expert dans le domaine du pétrole, est du même avis. Il a affirmé que la pénurie actuelle de carburants n’est pas liée à un problème de production dans le monde, mais aux difficultés financières de l’Etat tunisien. Il estime à près de 100 millions de dollars le montant des redevances aux fournisseurs impayées. « Ces difficultés d’approvisionnement en pétrole brut et en essence raffiné ont conduit l’Etat à puiser dans les réserves stratégiques qui sont aujourd’hui estimées, selon certaines sources, à seulement une semaine au lieu des deux mois », a-t-il ajouté.

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