Vient de paraitre | «Voix de Sidi Hassine» : L’écriture pour lutter contre les sentiments de frustration

Une expérience de tout intérêt a été menée dernièrement à Sidi Hassine. Il s’agit de mettre en relation des talents en herbe et des écrivains confirmés. Résultat : un ouvrage qui fait écho aux voix de Sidi Hassine

L’Académie du dialogue national est une jeune association, qui travaille dans le champ de l’écriture et de la jeunesse. Elle a à son actif trois livres, fruits de ses ateliers d’écriture mettant en relation des talents en herbe et des écrivains confirmés. Le dernier : «Voix de Sidi Hassine» (Edition arabesques) est peut-être le plus original de ses projets. Il a pris comme décor et source d’inspiration le quartier populaire de Sidi Hassine situé à quelques encablures de la ville de Tunis. Banlieue défavorisée dite «chaude» à cause des mouvements sociaux qui s’y déroulent d’une manière cyclique, la zone est aussi connue pour les relations conflictuelles qui lient la police à la jeunesse de Jayara, Birine, 25 Juillet, Omar Al Mokhtar, Al Attar, Hay Mrad, El Frachich, Borj Chakir… les divers quartiers d’une cité regroupant plus de 200.000 habitants.

Le processus de production de l’ouvrage paraît aussi intéressant que le contenu final.

Entre rires et émotions

Les auteurs de «Voix de Sidi Hassine», treize jeunes âgés entre 17 et 29 ans, des lycéens, étudiants, militants de la société civiles, artistes viennent tous de l’extérieur de Sidi Haccine. Ils sont passionnés de littérature, d’écriture journalistique, de slam et d’art photographique. A chacun sa manière d’exprimer et de relater la réalité. C’est grâce à plusieurs séances d’écoute de la jeunesse du quartier qu’ils ont trouvé leurs sujets.

«Dans le complexe sportif de Sidi Hassine, ont été organisés des cercles inoubliables de discussion. Nous y avons abordé les divers volets de la vie dans le quartier. Nous avons vécu des moments d’échange évoluant entre tension, rires et émotions. Nous avons partagé avec les jeunes de la cité leurs expériences en matière de marginalisation, de stigmatisation et de délinquance. Ainsi que leurs histoires dans une réalité étouffante socialement, économiquement et sur le plan de l’environnement», écrit Nouha Saâdaoui, chargée de l’initiative «Voix de Sidi Hassine» à l’Académie du dialogue national, dans le prologue du livre.

La période où s’est déroulé le projet a coïncidé avec deux moments phares de la vie dans la cité, la crise du Covid et un double drame survenu en juin 2021, la mort d’Ahmed Ben Amara à coups de matraque par les agents de sécurité et le lynchage de l’adolescent Fédi.

Documenter les drames du quartier

Entre slam, nouvelles, récits et photos, les jeunes auteurs vont transmettre et raconter la colère, les frustrations et les espoirs déçus des voix du quartier. Documenter ce moment de la mort d’Ahmed Ben Amara est important dans la mesure où il démontre à quel point, ces dernières années, les abus des agents de sécurité semblent être devenus la seule réponse adoptée par les autorités pour mater, dans la peur et la violence, les jeunes des quartiers marginalisés.

Les textes se suivent et se démarquent chacun par son style et son genre : «Vous méritez mieux», «Le déluge de l’oncle Souleyman», «Prénom, Ahmed», «La migrant du flamant rose», «Rendez-vous avec une cigarette», «Les drogues à Sidi Hassine : quand l’Etat est complice», «Quartier Mrad 208…», «La jeunesse de Sidi Hassine, des visages étincelant dans une région des ténèbres », «Néjia, au bord de la rue»… Les images photographiques, elles reviennent sur l’état de dégradation de l’environnement mais aussi la richesse de sa nature, les vieux de la cité, ses barbacha (fouineurs des déchets), ses marchés, son saint protecteur, le cimetière face à la décharge…

La Fondation de France et sa représentante en Tunisie, Hajer Trabelsi, ont été séduites par ce projet de l’Académie. Ils ont dernièrement décidé de financer également la prochaine initiative du genre de cette association : «Les Voix d’Ettadhamen».

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