«Fractus» en Compétition officielle des JCC : Sans âme, sans relief

«Fractus», première œuvre de long-métrage de Nader Rahmouni, est un coup de poker qui a bien tourné. Histoire simple, assez consommée dans les fictions télévisées, un nœud attendu et une fin prévisible. Avec des ingrédients mi-figue, mi-raisin, «Fractus» s’est tout de même retrouvé à représenter le cinéma tunisien en compétition officielle des JCC 2022.

«Fractus» est l’histoire de Yassine qui vit entre un père autoritaire et une mère soumise et dépressive jusqu’au jour où sa passion dévorante pour Leïla lui fait briser sa carapace et s’affranchir de la domination du père. Un équilibre précaire qui finit par basculer. La sagesse et l’affection de Malek, l’oncle psychologue, ont illuminé une partie de ce chemin pour aboutir à la découverte de soi. Voilà une histoire simple moult fois racontée aussi bien dans le cinéma qu’à la télé, et à chaque fois elle se laisse facilement manier par le point de vue, le traitement et la sensibilité du réalisateur. Pour «Fractus», nous pouvons saluer le mérite des comédiens qui, par une belle maîtrise, ont rendu l’ensemble cohérent. Des comédiens qui ont bien endossé leur rôle… Magnifique Rim Riahi dans son jeu intérieur, Mhadheb Rmili dans une interprétation énergique et nuancée et Mohamed Mrad dans un rôle qui rompt avec l’image qu’on lui donne et le pousse vers de beaux retranchements.

Pour le reste, si la narration est fluide et les actions ne présentent aucune complexité à outrance, cet objet filmique a du mal à se trouver un style ou une écriture propre à lui, à se définir par un langage cinématographique clair… Tout donne l’impression d’un déjà-vu, ressemble à la fiction télé. Les références, les enchaînements, la caméra trop souvent statique… Les personnages, agités, tourmentés, brisés qui augurent d’une prochaine explosion, sont dans des cadres sans relief et sans profondeur. L’énergie que met le DOP à essayer de composer une image part en vain, tant le cadre semble n’être que l’espace dans lequel se déroule l’action. Rien n’est laissé à l’imaginaire du spectateur, tout est dévoilé, les actions sont attendues et les réactions sont prévisibles et aboutissent à des clichés surconsommés. Et nous retenons ici deux exemples frappants :  l’ouverture de la volière pour libérer les oiseaux en signe de libération du personnage ou le collier de perles au cou de la maman qui symbolise son asservissement dans la condition de la femme au foyer soumise et effacée dans sa prison dorée et qui se brise vers la fin du film et les perles se dispersent comme dans un vieux clip… n’ont pas donné à «Fractus» une quelconque fraîcheur. Etonnante sélection, pour ce film sans relief… Attendons le palmarès du jury pour son dernier mot ! 

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