«Garderie nocturne» de Moumouni Sanou : Cinéma du réel

 

Etre là sans être là, c’est le parti pris du réalisateur pour installer une habitude de la caméra, cela n’empêche pas les jeunes femmes de le prendre à témoin quand il y a un conflit.

Sélectionné dans la compétition officielle des documentaires en long métrage de la 33e édition des JCC, «Garderie nocturne» est l’histoire d’une rencontre, celle du réalisateur Moumouni Sanou avec un groupe de travailleuses du sexe burkinabè. Des femmes qui subissent la stigmatisation et les préjugés d’une société intransigeante et qui ont appris au fil des jours à baisser leur garde et à se lier d’amitié avec le cinéaste au point d’en oublier la présence de la caméra et de l’équipe technique. Un lien hors caméra instauré durant 5 ans et que le réalisateur a su maintenir au-delà.

Déconstruire le préjugé, tel est l’enjeu du film qui donne à voir la réalité telle quelle, la laissant parler par elle-même. «Garderie nocturne» renvoie à une garderie bien particulière, celle tenue par Madame Coda, une femme âgée de plus de 80 ans, dans un quartier populaire de Bobo-Dioulasso et qui, chaque soir, accueille chez elle les enfants de prostituées. Les jeunes femmes déambulent ensuite au «Black», une ruelle très animée du centre-ville, jusqu’au lever du jour où elles viennent récupérer leurs enfants. Mais Madame Coda commence à être fatiguée…

Maman Coda somnole sous sa moustiquaire quand les enfants finissent enfin par s’endormir, n’accepte plus les enfants turbulents. Elle, elle ne juge pas leurs mères et se contente de faire son job. Un job plus qu’indispensable pour les jeunes femmes qui travaillent dans une des rues les plus chaudes du centre-ville où se côtoient prostituées, proxénètes, dealers…

«Les gens nous jugent facilement, sans chercher à nous comprendre», lance une d’elles. Moumouni Sanou tente d’abolir ces préjugés en s’attardant sur les moments d’intimité qu’elles partagent avec leurs bébés. Le film les montre dans leur routine, sans trop y intervenir, pas de commentaires ni même de musique. On laisse parler leur quotidien avec les bruits de la rue, des enfants…, l’éclairage au néon des intérieurs et les discrètes lumières extérieures du «Black», la ruelle dans laquelle elles travaillent. Etre là sans être là, c’est le parti pris du réalisateur pour installer une habitude de la caméra, cela n’empêche pas les jeunes femmes de le prendre à témoin quand il y a un conflit. Né au Burkina-Faso en 1987, Moumouni Sanou, après des études de cinéma, a travaillé notamment comme monteur et cadreur dans plus d’une dizaine de productions africaines. Passionné de documentaire, il réalise en 2010 son premier film Dji-Ko au Burkina-Faso, puis entre 2012 et 2014, trois autres documentaires : Youplex, Sini, l’avenir et N’gooni Fo Sékouba ou l’esprit des chasseurs.

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