De l’ingéniosité à contresens

Editorial La Presse

 

Le ministère du Commerce et du Développement des exportations, le ministère de l’Industrie et le ministère de la Santé ont rendu public un communiqué conjoint, dimanche 16 octobre 2022, pour annoncer l’adoption d’un système de contrôle préalable des importations. L’argumentaire fait état du souci de l’exécutif de garantir la qualité des produits importés et d’assurer la sécurité des consommateurs. La batterie de mesures imposées aussi sophistiquées les unes que les autres, la panoplie de documents administratifs à produire, et le nombre de nouvelles structures publiques impliquées prouvent qu’il ne s’agit point d’un tour de vis supplémentaire, mais bien de la cessation d’une activité économique, du moins pour les petits et moyens importateurs.

Avec l’éternelle lenteur des services administratifs nationaux pour obtenir ou renouveler le moindre papier d’état civil, comment un importateur pourrait-il faire face à cette multiplication de règles et d’interlocuteurs dressés sur son chemin comme une montagne ? Sinon de mettre la clé sous la porte ou de faire appel au système D…

Face à cette absurdité à contresens, les autorités n’ont même pas eu l’idée de centraliser les « censeurs » à l’importation, mais bien de les augmenter à l’infini. L’importateur est invité à obtenir leur bénédiction non pas pour chaque opération, mais pour chaque produit importé. L’Etat est précis : à chaque produit, son contrôleur, prend-on soin de mentionner. Le même communiqué souligne que les autorités compétentes peuvent revendiquer tout document complémentaire permettant de vérifier la qualité des produits importés.

Nous sommes toujours impressionnés par la subtilité de l’Etat tunisien quand il s’agit de fermer, interdire, censurer. Il fait alors appel à toute l’ingéniosité du système pour obstruer la moindre issue par laquelle une initiative pourrait s’épanouir. En revanche, pour faciliter la vie des citoyens, centraliser les services, réduire les délais, assouplir les procédures et encourager l’initiative personnelle, mis à part les effets d’annonce, rien de concret. L’administration devient sourde, muette, rigide, intransigeante.

Piqûre de rappel. La Tunisie ne vivant pas seule sur une île déserte, la Commission européenne a déploré que «le système de contrôle technique à l’importation est complexe et peu transparent…». Et, évidemment, la CE rappelle au bon souvenir des décideurs tunisiens les protocoles signés par l’Etat dans le cadre de l’Accord pour la facilitation des échanges. A moins de désavouer ses propres engagements et d’être mise au ban de la communauté internationale, la Tunisie devra donc faire des efforts.

Ces textes anachroniques ont le grand mérite de fédérer des adversaires de tous bords. Les premiers à en avoir fait les frais les importateurs et leurs employés touchés de plein fouet par le chômage, beaucoup d’experts et d’économistes, une partie des consommateurs et les principaux partenaires de la Tunisie.

Par-dessus tout, chaque restriction requérant l’agrément des autorités pour l’attribution d’une licence, autorisation, un permis, le moindre papier génère encore plus de corruption, encourage la contrebande et renforce les rangs des policiers, douaniers et fonctionnaires véreux. Qu’est-ce que vous ne comprenez pas ?

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