Démantèlement d’un réseau international de blanchiment d’argent lié à la traite des êtres humains : Une question de sécurité nationale  

 

Le flux migratoire en provenance des pays subsahariens doit être pris très au sérieux. Il est lourd de conséquences pour la sécurité nationale de la Tunisie.

Le démantèlement d’un réseau international de blanchiment d’argent lié à la traite des êtres humains et la contrebande annoncé par le ministère de l’Intérieur vient marquer un grave tournant dans notre pays qui a été considéré pendant plusieurs décennies comme étant un pays d’immigration. Depuis 2011, et notamment après la  chute de certains régimes arabes et la guerre en Syrie, la situation a surtout  empiré en  Libye, acculant ainsi des milliers de jeunes subsahariens en quête de travail et d’asile à se réfugier en Tunisie ou à transiter par notre pays pour se rendre en Europe. Une situation qui a profité à plusieurs réseaux de passeurs qui se frottent déjà les mains.

« L’enlisement  de la situation en Libye et la guerre en Ukraine ont favorisé l’expansion des filiales de l’État islamique en Afrique subsaharienne et ont conduit, par conséquent,  à une montée du terrorisme dans de nombreux pays de la région », rapporte le Global Terrorism Index, d’où ce flux migratoire inquiétant vers notre pays, lourd de conséquences pour la sécurité nationale.  

La Poste tunisienne alerte la Banque centrale  

Selon le ministère de l’Intérieur, huit individus ont été arrêtés, dont un cadre à la Poste tunisienne affecté dans une délégation rattachée au gouvernorat de Nabeul ainsi qu’un autre agent de la Poste tunisienne dans une délégation avoisinante et un Subsaharien. Six voitures d’une valeur totale de 400 mille dinars ont été saisies dans le cadre de la même affaire, ainsi qu’une quantité de cigarettes de contrebande.

Avisé, le ministère public a ordonné de placer tous les suspects en garde à vue en attendant le parachèvement de l’enquête qui a été confiée à l’unité nationale d’investigation dans les crimes financiers relevant de la direction de la police judiciaire qui s’est saisie de cette affaire le 8 novembre 2022, suite à une plainte déposée par la Commission tunisienne des analyses financières (Ctaf).

Cette dernière, qui siège à la Banque centrale, est chargée de la réception, de l’analyse des déclarations de soupçon et de la transmission au procureur de la République des déclarations dont l’analyse a confirmé le soupçon.

Cette plainte porte sur des suspicions émises par la Poste tunisienne, selon lesquelles un Subsaharien aurait bénéficié de mandats minute dont la valeur a été estimée à plus de 450 mille dinars durant la période allant de 2020 jusqu’à 2022, d’après la même source. Il semble que la stratégie de protection de notre système financier a fonctionné aussi bien au niveau de la Poste tunisienne que la Ctaf, conformément aux normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme  recommandées par le Groupe d’action financière (Gafi) .

Selon les premiers éléments de l’enquête, le principal suspect est un Subsaharien qui aurait aidé dans une première étape des migrants subsahariens à entrer illégalement en Tunisie, en contrepartie d’une somme d’argent estimée à cinq mille dinars pour chaque migrant. Un scénario devenu classique vu le nombre qui ne cesse de croître  de migrants subsahariens entrés illégalement et par le concours de passeurs en Tunisie.

Dans une seconde étape, la même personne arrêtée dans cette affaire organisait, avec l’aide d’autres passeurs, des opérations de migration irrégulière à partir  de Sfax et Mahdia vers des pays européens moyennant des sommes d’argent reçues via des mandats postaux ordinaires ou des virements internationaux. La progression de l’enquête et l’analyse des actions financières opérées au niveau de deux agences à Nabeul relevant de la Poste Tunisienne ont permis de suivre la trace des opérations de virement au profit d’un Tunisien (du 29 août 2022 au 10 novembre 2022) dont la somme totale a été estimée à 1.582MD, selon le ministère de l’Intérieur.

Sécuriser encore plus nos frontières

L’affaire vient sonner l’alerte et jeter une lumière crue  sur la gravité de la situation suite à la recrudescence du nombre de personnes qui franchissent illégalement nos frontières en provenance des pays subsahariens qui sont fortement touchés par le terrorisme.

Selon le président de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, Abdoulaye Diop, « l’Afrique subsaharienne enregistre actuellement 48% des décès causés par le terrorisme dans le monde », déclaration remontant au mois d’octobre 2022.

En effet, d’après le rapport de l’indice mondial du terrorisme publié en mars 2022, trois des quatre pays ayant la plus forte augmentation du nombre de décès causés par le terrorisme se trouvent dans la  zone de l’Union économique et monétaire ouest africaine. Il s’agit du Niger, du Burkina Faso, du Mali et de la République démocratique du Congo.

Nos décideurs doivent tenir compte de cette nouvelle donne qui poussera encore plus les habitants de cette zone à fuir leurs pays d’origine pour se réfugier en Tunisie. Une stratégie nationale doit être mise en place pour éviter l’impact désastreux de cette migration irrégulière vers notre pays. Une migration qui prend une grave tournure avec la montée en flèche du taux de criminalité au sein d’une frange de la communauté subsaharienne.   

Il s’agit en quelque sorte d’une bombe à retardement et d’une réelle menace pour le pays  dans les années à venir. La lutte contre le blanchiment d’argent et le terrorisme passe inéluctablement par le renforcement de la sécurité au niveau de nos frontières et le contrôle de la migration irrégulière.

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